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analyses. — benno erdmann. Philosophie in Deutschland.

chose en soi peuvent s’interpréter dans le sens du pur phénoménalisme, de l’idéalisme ou du réalisme absolus. Ajoutons que, s’il n’a voulu lui-même que préparer la métaphysique critique de l’avenir, il n’a pas toujours su se défendre d’un certain dogmatisme moral, qui devait égarer ses successeurs. Et c’est ainsi que, pendant près d’un demi-siècle, nous assistons aux tentatives les plus audacieuses que le dogmatisme métaphysique ait jamais osées.

La première voie qui devait tenter l’intempérance spéculative des philosophes était celle de l’idéalisme absolu.

N’est-il pas le plus sûr moyen d’en finir avec la théorie contradictoire de la chose en soi ? Au lieu d’admettre dans la conscience un élément réfractaire à la spontanéité du moi et dont on ne sait comment expliquer la provenance, la sensation (Empfindung), il est plus simple de faire tout dériver dans la pensée de l’activité infinie du moi : la sensation, de son activité inconsciente ; les formes à priori, de son activité réfléchie. Le moi, en tant que principe supérieur et de la nature et de l’esprit, devient alors le moi absolu. C’est ainsi que le moi limité de l’aperception chez Kant donne naissance successivement au moi transcendantal de Fichte, à l’identité absolue de Schelling, à l’esprit absolu de Hegel. Le nouveau principe doit suffire à l’explication de toutes choses, puisqu’il porte en lui le monde et la pensée ; il n’y a qu’à l’interroger convenablement, sans tenir aucun compte des témoignages, ni même des contradictions de l’expérience, autrement qu’à titre de secours ou de stimulant pour l’infirmité de la réflexion humaine. On ne fait ainsi d’ailleurs que revenir à la doctrine de Platon et de Spinoza sur l’identité de Dieu et de l’univers, sur la communauté d’essence de la raison divine et de la raison créée. À cette interprétation du kantisme, qui trouve sa plus haute expression dans le système de Hegel, se rattachent les doctrines, plus ou moins diverses et durables, de Baader, de Krause et de Schleiermacher.

Mais on peut essayer un autre commentaire de ia philosophie critique et maintenir la réalité des choses en soi. C’est ce que fit Herbart dans sa Métaphysique. Il consent bien à se dire un kantien, mais, suivant son mot, un kantien de 1828, qui ne veut ni de l’idéalisme subjectif, ni du panthéisme des premiers disciples du maître. « Autant d’apparences, autant de manifestations de l’être : Wie viel Schein, so viel Hindeutung auf das Sein. » Une diversité d’êtres éternels, absolus, ni de purs atomes, comme les principes de Démocrite, ni des esprits, comme les monades de Leibniz, mais des Qualités simples, dont l’unité primordiale essentielle se résout en une diversité infinie de modifications par leur conflit mutuel, dont les représentations ne sont qu’autant d’efforts pour défendre l’intégrité de leur nature contre l’action du dehors (Selbsterhaltungen) : telle est la conclusion à laquelle Herbart est conduit par la méthode des rapports, la vraie méthode, selon lui, de la métaphysique ; telle est la seule doctrine qui permette d’échapper aux contradictions de la pensée empirique. Nous