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analyses. — benno erdmann. Philosophie in Deutschland.

losophie de la nature de Oken, reconnaît pourtant lui-même, à l’occasion, que sa doctrine n’est qu’un rameau détaché du tronc vigoureux de la philosophie de Schelling ; et que la branche d’où il a su tirer les meilleurs fruits a été greffée par la main même de Hegel. Dans sa polémique contre Fichte le jeune, Lotze déclare qu’il est un disciple de Weisse : il doit à ce dernier le principe qui inspirait déjà en 1841 son premier traité de métaphysique et qu’il n’a fait depuis que développer fidèlement. D’un autre côté, la tentative que poursuit Hegel, à l’exemple de Platon, de dériver par une dialectique nécessaire d’un seul et suprême principe tout un ensemble de vérités synthétiques à priori, demeure toujours, aux yeux de Lotze, le but le plus élevé et nullement inaccessible de la pensée philosophique. À côté de Weisse et de Hegel, il faut faire encore une large part à l’influence qu’a exercée la doctrine de Herbart sur les idées de Lotze, bien qu’elle se traduise sans doute plus souvent par la contradiction qu’elle provoque que par l’assentiment qu’elle obtient. Ajoutons enfin, pour achever ce parallèle des dispositions générales qu’apportaient nos deux philosophes à leur double tentative de rénovation métaphysique, qu’ils sont dominés l’un et l’autre, avec une puissance également irrésistible, par leur tempérament poétique, par le besoin constant de peindre et d’expliquer le monde et la vie en artistes.


L’Histoire de l’esthétique de Lotze, l’Introduction à l’esthétique de Fechner montrent assez la place que tient la beauté dans les préoccupations et les études de ces penseurs, et prouvent que la science et la philosophie n’épuisent pas la capacité de comprendre et d’aimer de ces deux riches intelligences.

Cette réunion des facultés et des connaissances les plus diverses, aucun des penseurs de leur génération ne la présentait au même degré que Fechner et Lotze. Elle ne devait pas peu contribuer à l’originalité de leur œuvre philosophique. Nous ne pouvons songer ici qu’à en faire connaître par quelques traits rapides le principe et la méthode, comme nous avons essayé tout à l’heure d’en indiquer brièvement les origines.

La pensée qui domine le système de Fechner est une pensée spinosiste. Il conçoit, comme l’auteur de l’Ethique, le rapport de l’esprit et du corps. Au lieu d’y découvrir deux réalités distinctes, il n’y voit que les deux aspects différents d’une seule et même substance. Le corps c’est l’être vu du dehors, avec l’œil des sens ; l’esprit, c’est le même être saisi directement par la conscience. Il n’y a pas plus d’esprit sans corps que de corps sans esprit, et cela n’est pas moins vrai de Dieu, des anges, que des plantes, des corps inorganiques. Il est de l’essence de tout esprit de se manifester à d’autres esprits, et cela ne se peut sans l’intermédiaire du corps. Il est de l’essence de tout ce qui est corporel de se connaître soi-même, de se manifester à soi-même comme esprit. Il ne suit pas de là pourtant qu’à tout changement du corps corresponde une modification de l’esprit. L’esprit ou l’âme peut rassem-