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analyses. — benno erdmann. Philosophie in Deutschland.

Lange nous offre encore l’exemple, a succédé insensiblement un commentaire littéral et servile, une sorte de religion de Kant, qui, dans ces dix dernières années, a paru menaçante pour la liberté des esprits. Et l’on comprend qu’une réaction n’ait pas tardé à se produire, qui a demandé surtout ses armes à l’empirisme anglais soit des précurseurs de Kant, soit de l’époque contemporaine, et qui a su habilement profiter de l’interprétation trop métaphysique que certains commentateurs ont donnée de la pensée critique.

Mais ni Locke ni Hume ne contiennent plus que Kant la vérité totale et définitive. L’avenir appartient à la théorie de la connaissance, qui saura utiliser les riches matériaux préparés par la science de notre temps, et s’appuyer en même temps sur le principe fondamental du kantisme, à savoir que les limites de l’expérience sont aussi celles de la connaissance.

Nous donnerons le nom de criticisme à cette doctrine nouvelle, qui relève bien de la critique de Kant, mais pour la continuer librement ; Zeller, Helmholtz et Lange en sont les principaux représentants.

La logique a été dans ces dernières années moins cultivée en Allemagne qu’en Angleterre ; mais des signes certains annoncent qu’elle ne tardera pas à tenir la place que réclament pour elle les récentes transformations des méthodes scientifiques, soit dans les sciences expérimentales, soit en mathématiques, soit en biologie. La logique anglaise, surtout celle de Mill, s’est trop exclusivement occupée de l’induction expérimentale. D’ailleurs la logique de Jevons, avec ses formules algébriques, entreprend de se substituer à la logique inductive de Stuart Mill. S’il est permis de prévoir l’issue du débat, il semble bien que l’opposition de Mill à l’apriorité du principe de causalité ne permettra pas de conserver sa théorie de l’induction, ni, par suite, sa doctrine du syllogisme. Il ne paraît pas, d’un autre côté, que la logique algébrique de Jevons, qui supprime toute différence qualitative entre les concepts, ait des chances sérieuses de se faire accepter par les logiciens de l’avenir.

Les mêmes causes qui ont amené la transformation de la psychologie ne pouvaient manquer d’agir sur l’esthétique et la morale.

La théorie de la section dorée de Zeising, surtout les travaux d’Helmholtz et de Fechner, ont ouvert à l’esthétique des voies entièrement nouvelles. L’influence des vieilles écoles n’en reste pas moins plus sensible ici qu’en psychologie. Hegel, Herbart et Weisse ont trouvé des continuateurs dans Vischer, Zimmermann et Lotze ; ce dernier, particulièrement, ne le cède en rien à son maître. L’esthétique de Schopenhauer trouve surtout des adeptes parmi les musiciens. En résumé, la confusion, la lutte des écoles et des doctrines est très sensible en esthétique ; et l’on comprend le cri de désespoir qu’un tel spectacle arrache à l’historien Vischer.

L’éthique est dans une situation encore plus lamentable. L’étude en est presque partout abandonnée. Dans les universités même, où autre-