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compte de toutes les découvertes de la science contemporaine. Et si la philosophie de Hartmann et celle de Dühring réunissent de si nombreux adhérents, si la métaphysique de Lotze et celle de Fechner rencontrent aujourd’hui la faveur qui avait fait défaut à leurs débuts, c’est qu’elles satisfont mieux que les philosophies précédentes à ces besoins nouveaux des esprits.

Mais tous ces essais, quelque distingués qu’ils soient, trahissent plutôt la tendance générale qu’ils ne la satisfont. Ainsi que nous le disions en commençant, la conscience philosophique du présent cherche encore sa voie. Aucune des doctrines qui la sollicitent n’a réussi à rallier la majorité des intelligences.


Un coup d’œil jeté sur l’état actuel des études philosophiques nous aidera, du moins, à pressentir dans quelle direction nouvelle la pensée est résolue à chercher et paraît avoir le plus de chance de rencontrer la vérité compréhensive qu’elle poursuit.

Les découvertes de la physiologie des sens et l’opposition au matérialisme, qui ont tant contribué au réveil philosophique dont nous sommes témoins, sont particulièrement favorables aux progrès de la psychologie et de la théorie de la connaissance. Les branches de la psychologie, dont la culture comporte le plus aisément l’intervention de la science, sont aussi celles qui ont pris les plus rapides développements ; et c’est aux recherches de la psychologie physiologique, de la psychophysique de la psychopathologie, comme aussi à celles de la psychologie comparée, tant encouragée par la doctrine de l’évolution, que sont dus les meilleurs chapitres de la psychologie nouvelle. Dans un autre sens, les travaux philologiques et ethnographiques de Steinthal et de son école ont éclairé d’une plus vive lumière les processus supérieurs de la pensée ; et la théorie des sentiments a été renouvelée par les pénétrantes analyses des disciples de Schopenhauer et de Darwin. La prépondérance accordée aux penchants sexuels trahit l’influence du premier, comme l’attention plus grande donnée aux penchants sociaux est due à l’action du second. C’est à la psychologie de Herbart que se rattachent, le plus ordinairement les nouveaux investigateurs : ainsi Fechner et les disciples qu’il compte parmi les physiologistes, Lotze et les psychologues de son école. Mais on écarte d’ordinaire les principes métaphysiques et la méthode mathématique de Herbart. Disons plus : la métaphysique d’une manière générale est sévèrement bannie des recherches psychologiques, malgré l’exemple contraire de Lotze et de Fechner. C’est à la dérobée et comme par manière d’acquit qu’on hasarde dans un chapitre final quelques considérations métaphysiques.

Tandis que la psychologie marche avec indépendance dans la voie des découvertes, la théorie de la connaissance se résigne d’ordinaire à n’être qu’un commentaire de la doctrine kantienne. À la libre interprétation, à la respectueuse critique dont la première édition du livre de