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observer d’abord que les délits ont deux caractères communs : 1o Il y a opposition entre ces actes et le sentiment moral, et les principes de la société : les délits portant atteinte à la sécurité ou à la liberté. 2o La tolérance ou l’impunité les multiplient.

Il est important de chercher dans quelle mesure l’un et l’autre élément entrent dans une action coupable. Si nous pouvons former ainsi des catégories de faits criminels et savoir l’intensité du péril qui leur correspond, nous aurons le critérium positif de la pénalité. Le premier élément du délit se mesure par le degré de crainte inspiré universellement par le fait criminel dans une période historique donnée. Sur le second point, on peut déterminer le degré de perversité de l’accusé, qui permet de prévoir la probabilité d’une récidive. En combinant ces deux modes de classer les crimes ou plutôt les malfaiteurs, on arrive à la classification cherchée, à celle qui nous donne le degré de la « temibilità » des criminels, qui nous indique jusqu’à quel point on doit les craindre et prendre des mesures contre eux. M. Garofalo arrive ainsi aux quatre catégories suivantes, dans lesquelles il faut ensuite ranger tous les actes criminels : 1o crimes très graves qui suffisent à révéler les criminels les plus redoutables ; il faut ici à la fois employer les moyens d’intimidation les plus énergiques et rendre impossible la récidive ; 2o délits légers commis par des criminels d’habitude, dont il faut rendre peu probable la récidive (prévention spéciale) ; 3o crimes graves dont les auteurs ne sont pas des criminels habituels : il s’agit surtout ici d’empêcher l’imitation (prévention générale) ; 4o délits légers, dont les auteurs ne sont pas des délinquants habituels : la peine devra être un essai de correction (prévention spéciale).

Nous ne nous arrêterons pas sur les diverses peines proposées dans ces divers cas par M. Garofalo, disons seulement qu’il est dans une certaine mesure partisan de la peine de mort, qu’il considère comme seule capable d’intimider la plupart des criminels, et qu’il s’oppose, excepté pour la troisième catégorie de crimes mentionnée ci-dessus, à la détention pendant un temps considérable et déterminé à l’avance, telle qu’on la comprend actuellement. Notons aussi que, d’après le principe qu’il a posé, M. Garofalo admet qu’une tentative criminelle doit être punie aussi sévèrement que le crime, quand il est évident que sans une circonstance fortuite et imprévue le crime aurait été accompli.

M. Garofalo me paraît, sur bien des points, être dans le vrai ; toutefois j’aurais quelques réserves à faire. Il a bien vu lui-même d’ailleurs l’objection qu’on peut lui adresser. La justice est laissée entièrement en dehors de son système. Il n’y a pas, dit-il, à se préoccuper de la justice à propos de la punition. Peut-être en effet en viendra-t-on là un jour, je l’ignore. M. Garofalo, qui note précisément ce fait que le délit répugne au sens moral, qui attache tant d’importance, avec raison d’ailleurs, à l’éducation morale du peuple, et qui s’occupe de l’effet moral produit par les peines, ne craint-il pas de détruire dans une certaine mesure l’horreur du crime, si aucune considération de justice,