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ment parler, ne se comprend point, attendu que ces deux termes, étendue et pensée, ne semblent point disposés à se combiner ou plutôt à se superposer sur un même plan. Du point de vue de la physiologie, M. Stricker essaye pourtant d’établir ce fait. Son raisonnement est des plus spécieux. La plupart des physiologistes, nous dit-il, s’en tiennent à cette hypothèse que la fonction psychique est uniquement remplie par les cellules ganglionnaires du cerveau, les fibres de toute nature, transversales ou commissurantes, n’exerçant qu’une action physique. Ce serait comme les fils d’un appareil télégraphique où circule, non pas une dépêche, mais un simple courant. Cette conception, M. Stricker la combat à l’aide de la comparaison suivante. Représentez-vous un sourd-muet et un aveugle-né à la porte d’une maison : le premier voit la sonnette, le second l’entend. Mais il est impossible à tous les deux ensemble de comprendre cette proposition : « La cloche sonne, » comme ferait un homme complet. La raison en est qu’entre eux deux il y a bien un pont physique, mais point de « pont psychique ». L’un pourra bien toucher la main de l’autre, et celui-ci, à cette occasion, se représenter la cloche à sa manière ; mais jamais la représentation de l’aveugle ne pourra se fondre avec la représentation visuelle du sourd. « Si donc les cellules ganglionnaires de l’écorce cérébrale formaient des centres psychiques isolés, ne se renvoyant mutuellement que des stimulations physiques, une fusion psychique des impressions visuelles et des impressions auditives d’un même individu serait tout aussi impossible. Et, si ces cellules ganglionnaires étaient des centres psychiques isolés, notre conscience se composerait d’autant de fragments qu’il y aurait de cellules en fonction. La conscience d’une cellule resterait tout, aussi close à la conscience d’un autre que celle d’une autre personne l’est pour la mienne. De centres pareillement isolés ne pourrait jamais jaillir une connaissance synthétisée, jamais un moi unique. » Généralisez : ce qui est démontré des fibres cérébrales s’étend par voie de conséquence aux fibres des centres inférieurs. On doit donc tenir pour extrêmement vraisemblable que le fonctionnement des cellules et des fibres nerveuses de tout ordre est à la fois physiologique et psychique. « La conscience s’étend du cerveau jusqu’aux nerfs, dit l’auteur ; ceux-ci ne sont que les avant-postes de la conscience. »

Il ne nous répugne point d’admettre, à condition de l’expliquer, la liaison intime et directe de l’âme avec toutes les parties du corps : « La nature m’enseigne par les sentiments dé douleur, de faim, de soit, etc., que je ne suis pas seulement logé dans mon corps ainsi qu’un pilote en son navire, mais outre cela que je lui suis conjoint très étroitement, et tellement confondu et mêlé que je compose