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à mes yeux, est de montrer clairement, je le répète, qu’elle est mesurable. Si l’on veut à tout, prix qu’il ait un fondement objectif, ce ne peut être qu’une tendance plus ou moins grande des événements futurs à se produire. Mais cette tendance, comment la concevoir, si ce n’est sur le type du désir ? Ce calcul s’appuie donc nécessairement sur l’hypothèse de la mesurabilité du désir, sinon de la croyance.

En temps électoral, on voit monter et descendre plusieurs fois dans la même journée, par suite des moindres renseignements nouveaux, des on-dit les plus insignifiants, les espérances et les craintes des candidats. Assurément le calcul des probabilités ne joue aucun rôle là dedans. Mais ce qui est bien clair, c’est le caractère quantitatif très marqué de ces espérances et de ces craintes. Chacun de nous sent décroître en lui, à mesure que le temps s’écoule, et avec une assez grande régularité, sans que le calcul des probabilités y soit pour rien, la confiance que lui inspirent ses souvenirs et qu’un mot lui réveille ou lui trouble tout entière ; et, quand nous voyons de loin s’approcher de nous un de nos amis que nous hésitons d’abord à reconnaître, nous sentons croître régulièrement notre foi en la réalité de sa présence. Ici encore, aucune application du calcul des probabilités n’est possible ni imaginable. Cependant ce sont là, je crois, des variations quantitatives au même titre que l’élévation ou l’abaissement de la température. On ne saurait donc prétendre que le caractère d’être mesurable est une propriété empruntée par la croyance à la langue des calculs, puisqu’il persiste encore après le silence forcé de celle-ci.

Le procédé à coup sûr le plus grossier, quoique le plus rigoureux en apparence, pour mesurer les quantités internes, consisterait à les exprimer par la quantité d’action qui épuise un désir ou réalise une idée, toutes les fois que cette action se composerait de gestes, de mouvements, de dépenses de forces musculaires, le tout réductible à des quantités de mouvements moléculaires. On dirait encore, par exemple, que la soif apaisée par un verre d’eau est égale à deux fuis celle qui exige deux verres d’eau pour être étanchée, etc. N’insistons pas.

Quoique malaisé à découvrir, un mètre approximatif des croyances et des désirs même, individuels aurait bien fini par être imaginé si le besoin s’en était fait sentir à la plupart des hommes, autant que le besoin d’un mètre de l’opinion ou de l’inclination générales. Mais le malheur est que, dans la pratique de la vie, le degré d’une opinion ou d’une inclination individuelle n’est pas ce qui importe, ou plutôt ce qui intéresse ; et partant on ne remarque pas qu’elle a des degrés, par