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plusieurs tronçons notre vie mentale, y creusent des trous que rien ne comble ou bien la démolissent en totalité par action lente : ce sont les désordres généraux.

Nous distinguerons donc d’abord deux grandes classes : les maladies générales et les maladies partielles de la mémoire. Les premières seules feront l’objet de cet article. Nous les étudierons sous les titres suivants : 1o amnésies temporaires ; 2o amnésies périodiques ; 3o amnésies à forme progressive, les moins curieuses et les plus instructives ; 4o nous terminerons par quelques notes sur l’amnésie congénitale.


I


Les amnésies temporaires procèdent le plus souvent par invasion brusque et finissent de même d’une manière inopinée. Elles embrassent une période de temps qui peut varier de quelques minutes à quelques années. Les cas les plus courts, les plus nets, les plus communs se rencontrent dans l’épilepsie.

Les médecins ne sont d’accord ni sur la nature, ni sur le siège, ni sur les causes de cette maladie. Ce problème n’est ni de notre sujet ni de notre compétence. Il nous suffit de savoir que tous les auteurs sont unanimes à reconnaître trois formes : le grand mal, le petit mal et le vertige ; qu’ils les considèrent moins comme des variétés distinctes que comme des degrés d’un même état morbide ; qu’enfin plus l’attaque est modérée dans ses manifestations extérieures, plus elle est funeste pour l’intelligence. L’accès épileptique est suivi d’un désordre mental qui peut se traduire aussi bien par de simples bizarreries et des actes ridicules que par des crimes. Tous ces actes ont un caractère commun que Haghlings Jackson désigne sous le nom d’automatisme mental. Ils ne laissent aucun souvenir, sauf dans quelques cas, où il reste des traces de mémoire extrêmement faibles. Un malade en consultation chez son médecin est pris d’un vertige épileptique. Il se remet aussitôt ; mais il a oublié qu il vient de payer un moment avant l’attaque[1]. — Un employé de bureau se retrouve à son pupitre, les idées un peu confuses, sans autre malaise. Il se souvient d’avoir commandé son dîner au restaurant ; à partir de ce

  1. Les faits cités sont empruntés pour la plupart au mémoire de Hughiings Jackson publié dans le West Riding Asyium Reports. traduit dans la Revue scientifique du 19 février 1878, et au travail de Falret sur l’état mental des épileptiques dans les Archives de médecine, décembre 1860. avril et octobre 1861.