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du cerveau jusqu’à la moelle. La conservation et la reproduction dépendent : 1o d’une certaine modification des cellules ; 2o de la formation de groupes plus ou moins complexes que nous avons appelés des associations dynamiques. Telles sont pour nous les bases physiques de la mémoire.

Les acquisitions primitives, celles qui datent de l’enfance, sont les plus simples : formation des mouvements secondaires automatiques, éducation de nos sens. Elles dépendent principalement du bulbe et des centres inférieurs du cerveau ; on sait qu’à cette époque de la vie l’écorce cérébrale est imparfaitement développée. Indépendamment de leur simplicité, elles ont toutes les raisons possibles d’être les plus stables. D’abord, les impressions sont reçues par des éléments vierges. La nutrition est très active ; mais ce renouvellement moléculaire incessant ne sert qu’à fixer les impressions : les molécules nouvelles remplaçant exactement les anciennes, la disposition acquise des éléments nerveux finit par équivaloir à une disposition innée. De plus, les associations dynamiques, formées entre ces éléments, parviennent à l’état de fusion complète, grâce à des répétitions sans nombre. Il est donc inévitable que ces premières acquisitions soient mieux conservées et plus facilement reproduites qu’aucune autre, qu’elles constituent la forme la plus solide de la mémoire.

Tant que l’individu adulte reste à l’état sain, les impressions et les associations nouvelles, quoique d’un ordre beaucoup plus complexe que celles de l’enfance, ont encore de grandes chances de stabilité. Les causes qui viennent d’être énumérées agissent toujours, quoique avec moins de force.

Mais si, par l’effet de l’âge ou de la maladie, les conditions changent ; si les actions vitales, notamment la nutrition, diminuent ; si les pertes sont en excès ; alors les impressions deviennent instables et les associations fragiles. Prenons un exemple. Un homme en est à cette période d’amnésie progressive où l’oubli des faits récents est très rapide. Il entend un récit ; il voit un paysage ou un spectacle. L’événement psychique se réduit en dernière analyse à une somme d’impressions auditives ou optiques formant certains groupes très complexes. Dans ce nouveau récit ou ce nouveau spectacle, il n’y a d’ordinaire qu’une seule chose nouvelle : le groupement, l’association. Les sons, les formes, les couleurs qui en sont la matière ont été déjà éprouvés et remémorés bien des fois dans le cours de la vie. Mais, par suite de l’état morbide de l’encéphale, ce complexus nouveau ne parvient pas à se fixer. Les éléments qui le composent font partie d’autres associations ou groupes beaucoup plus stables,