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idéaliste et réaliste, sur le terrain commun de l’expérience et de l’observation complète de la nature humaine.

Mais ce qui est surtout spécial à cette publication et la caractérise, c’est que l’auteur croit pouvoir nous offrir le modèle de cette méthode et un résultat déjà très satisfaisant de son emploi dans l’œuvre d’un penseur à peu près oublié et qui d’ailleurs a peu marqué soit comme philosophe, soit comme esthéticien, dans le développement de la philosophie allemande. Ce penseur, qui ne méritait pas l’oubli qui enveloppe aujourd’hui sa mémoire, est Deutinger. M. Neudecker prétend le réhabiliter, et son livre se termine par un exposé des principes philosophiques de cet écrivain, dont l’ouvrage principal est intitulé : Esquisse d’une philosophie positive (Grundlinien einer positiven Philosophie, Regensburg, 1845).

Nous avouons franchement notre peu de goût pour ces réhabilitations posthumes ; nous ne croyons pas à la résurrection des systèmes oubliés. Quand des esprits de second ordre n’ont exercé, de leur vivant, aucune influence notable sur la pensée de leurs contemporains, leurs œuvres sont encore moins capables de produire une action réelle et féconde après eux. En tout cas, ils ne sauraient nous servir de guides aujourd’hui. Leur pensée, fût-elle vraie, a été dépassée, d’autres besoins se sont éveillés qu’ils n’ont pas ressentis et qu’ils n’ont pu songer à satisfaire. Eux-mêmes seraient désorientés au milieu des circonstances nouvelles qu’ils n’ont ni prévues, ni soupçonnées.

Aussi ce n’est pas cette partie du livre de M. Neudecker qui à nos yeux a un véritable intérêt, mais bien la partie critique. Celle-ci nous a paru tout à fait digne d’attention et mériter de ne pas passer inaperçue. Elle est d’un dialecticien vigoureux, qui mène les choses un peu à outrance, mais qui fait très bien ressortir les défauts et les imperfections des divers systèmes d’esthétique dont il soumet à un examen sérieux et réellement philosophique les bases, l’esprit et les conclusions.

Disons d’abord un mot du plan de ce livre, très facile d’ailleurs à saisir et à suivre. Voulant montrer l’insuffisance de tous les travaux de l’esthétique allemande depuis Kant, l’auteur consacre les premières pages à l’esthétique kantienne. La Critique du jugement est la source commune d’où il voit sortir les deux courants, idéaliste et réaliste, qui ont pris des directions contraires, se sont d’abord écartés, puis ont essayé de se réunir dans un éclectisme impuissant. Il signale le courant plus récent qui semble devoir l’emporter, celui de l’empirisme Il ne le croit pas plus capable de produire une véritable science du beau et une philosophie de l’art en particulier. C’est alors qu’il propose l’accord dont il a été parlé, et, comme spécimen d’une esthétique nouvelle, non à fonder mais à continuer sur la base anthropologique, la théorie de l’art de Deutinger.

Nous ne pouvons que parcourir très superficiellement les points sur lesquels porte la critique du nouvel historien de l’esthétique alle-