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tent sur l’esthétique spéculative en général. Ceux-ci peuvent se réduire à trois griefs principaux, qui sont fort longuement discutés : 1o le premier est l’hypothèse métaphysique d’une logique empruntée au panlogisme de Hegel ; 2o le second, la réduction de la beauté à la vérité et au mode de connaissance qui s’y applique ; 3o le troisième, l’abandon, qui partout en résulte, de l’élément de la forme, et ce qui y est étroitement lié, savoir l’omission du côté subjectif on du sentiment et des actes de l’esprit, qui sont l’objet principal de l’esthétique kantienne.

Il nous faudrait plus d’espace que nous n’en avons pour suivre l’auteur dans sa polémique et apprécier comme il conviendrait ses raisons. Sans vouloir absoudre l’esthétique hégélienne de ces reproches, nous ferons cependant quelques réserves.

Ce n’est pas la première fois que l’on accuse Hegel et ses disciples de convertir en abstractions logiques et en arides formules les idées vivantes qui sont le fond des œuvres de l’art. Et pourtant ce n’est qu’à cette condition qu’on parvient à former une science ; car toute science est abstraite. On a le droit seulement de blâmer une doctrine de trop s’isoler des faits et de ne pas assez tenir compte de la réalité. Est-ce le cas pour Hegel et pour ses sectateurs ? Il y a longtemps que l’école entière, elle-même, a passé condamnation sur ce point et reconnu la nécessité d’entrer plus largement et plus sûrement dans la voie de l’expérience ; mais ce qu’il faudrait montrer, c’est que l’idée qui est le fond de la dialectique hégélienne est une conception réellement fausse et inféconde ; en outre, que l’expérience seule suffit à fonder la science. Or c’est précisément l’opinion que notre auteur rejette et combat plus loin à propos de l’esthétique empirique. Le défaut qu’il signale avec raison n’est donc pas inhérent au principe idéaliste, ni particulier à cette école et à ce système.

Le second reproche qu’il adresse à Vischer et à l’esthétique hégélienne, de ne pouvoir distinguer le beau du vrai, ne nous paraît pas non plus suffisamment justifié. Il ne l’est pas du moins par cette raison que l’idée dans le système de Hegel n’étant qu’une notion abstraite et générale, est incapable de revêtir une forme qui lui soit adéquate et s’unisse intimement avec elle ; car précisément la définition hégélienne du beau : « La manifestation sensible de l’idée » (sinnliche Erscheinung der Idee), donne cette forme comme la caractéristique même du beau. Que cette forme elle-même soit trop abstraite, que le lien qui l’unit à l’idée ne soit pas un lien vivant mais artificiel, que la dialectique soit impuissante à établir ou à démontrer la réalité et l’individualité de cette forme, c’est possible.

C’est une des imperfections du système, un des côtés faibles de la philosophie de Hegel et de sa logique appliquée au problème métaphysique de l’art et du beau. L’esthétique hégélienne n’a pas moins le mérite d’avoir proclamé cette nécessité d’unir et de fondre ensemble par un rapport d’identité, mieux qu’on ne l’avait fait jusqu’alors, les