Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
219
analyses. — g. neudecker. Geschichte der Æsthetik.

deux termes : l’idée et la forme, le général et l’individuel, le rationnel et le sensible. Il ne faut pas, abusant de la logique à outrance, refuser à une doctrine ce qu’elle-même admet et réintègre, ce que, bien ou mal, elle s’est efforcée d’appliquer à toutes les déterminations du beau, dans la nature et dans l’art, à toutes les branches de l’art, ce qui est le cas de l’esthétique hégélienne. — Elle n’en avait pas le droit, dira-t-on ; la logique de Hegel ne le comporte pas. — Soit, encore l’a-t-elle fait et en a montré la nécessité. L’auteur n’accorde rien de ce qui ne lui paraît pas rigoureusement contenu dans le principe et la méthode du système qu’il combat. On ne peut nier qu’il ne remplisse sa tâche avec vigueur, et cela donne à sa critique un haut intérêt spéculatif. Reste à savoir si sa base de discussion n’est pas trop étroite, s’il comprend bien ce qu’il attaque et s’il ne pousse pas un peu loin ses déductions.

Le troisième grief, celui d’avoir, dans l’application, partout négligé la forme, pour s’attacher à l’idée, ne nous paraît pas moins exagéré. Ce défaut, conséquence du précédent et qui est celui de tout idéalisme, est, j’en conviens, commun à Hegel et à Vischer. Est-il aussi absolu qu’on le dit ? On ne peut nier que Hegel en particulier accorde souvent une attention très grande à la forme dans les œuvres d’art. Si la technique de l’art chez lui est trop négligée, il en signale l’importance. Qui ne sait, en outre, combien l’élément historique occupe de place dans sa philosophie de l’art et dans les écrits de ses disciples ? C’est au point qu’on a désigné cette école sous le nom d’historique (Zimmermann). Quelle haute intelligence des formes de l’art, dans les aperçus généraux, quelquefois dans les détails comme dans la critique des grandes œuvres de l’art ! Cette critique n’est pas seulement élevée et profonde, elle est précise et déterminée. Si elle excelle à montrer l’esprit qui les pénètre et les a inspirés, elle signale aussi avec grand soin le rapport de convenance réciproque qui unit le fond à la forme et celle-ci à l’idée, comme caractère même de ces œuvres.

Est-il vrai également que les effets du beau sur l’âme et sur la sensibilité aient été tout à fait négligés par les esthéticiens de cette école, par Th. Vischer en particulier ? Tout cela est injuste, à notre avis, mais rentrait dans la thèse que M. Neudecker avait à soutenir. Kant, en raison de son subjectivisme, n’a pu traiter ni de l’idée du beau ni du beau au point de vue objectif, mais seulement de ses effets et des actes de l’esprit. Hegel et ses disciples ont dû faire tout l’opposé et négliger le côté psychologique. Ainsi le veut la logique ; ce qu’ils ont pu faire en ce genre est une inconséquence et un hors-d’œuvre. On ne doit pas en tenir compte.

Ainsi le veut la logique ; mais nul n’est tellement logicien qu’il ne se contredise. Nous prendrons l’auteur lui-même par ses propres aveux. Malgré sa critique si sévère, lui-même est forcé de rendre justice à cet idéalisme esthétique, comme il l’appelle, et de reconnaître ses mérites supérieurs. Nous citons ses propres paroles. « On ne peut nier