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qu’en comparaison de l’esthétique de Kant ne se révèle ici un progrès essentiel. En effet, si ses adversaires les plus opposés ne peuvent contester la richesse de ses matériaux (Stofffulle). un jugement sans préjugé doit entendre par là non seulement la richesse d’intuition pleine de sens des œuvres de l’art (der sinnigen Kunstanschauung) et de la contemplation de la nature. Elle a su revêtir son squelette scientifique d’une chair savoureuse, et faire circuler partout un sang riche et abondant ; elle accuse un effort énergique pour pénétrer le sens et le contenu réel (Gehalt), pour comprendre le beau dans son profond accord avec l’ensemble de la nature spirituelle de l’homme et sa destination positive, en un mot pour reconnaître l’essence de la vie esthétique qui environne l’horizon entier de la vie humaine. Malgré le vague et l’obscurité qui règnent encore sur la nature et le caractère spécifique du beau, que toute cette métaphysique n’a pu dissiper, c’est cependant un grand service que de l’avoir cherché quoique souvent à l’aveugle, dans le centre même ou le cœur de la chose, savoir la signification intérieure du beau, ce que Platon a tenté d’une façon mythique, et de l’avoir abordé d’une façon scientifique. »

Il n’y aurait qu’une chose à ajouter, selon nous : ce sont les emprunts que lui ont faits ses adversaires eux-mêmes, après l’avoir si souvent attaquée et critiquée.

III. Une des plus importantes de ces études est celle que l’auteur a consacrée à l’esthétique de Herbart, au formalisme esthétique, comme il le nomme et dont le représentant principal est Robert Ziminermann. L’esthétique herbartiste manifeste une tendance opposée à la précédente. La forme y est opposée au fond (Gehalt) ou à l’idée. M. Neudecker reconnaît les efforts de Herbart pour sortir du subjectivisme kantien ; il apprécie sa vive polémique contre l’esthétique idéaliste. Il reirace son programme, dont le point de départ est l’analyse psychologique des sentiments et des représentations (Gefühle, Vorstellungen), liés à la perception du beau. Il suit R. Zimmermann dans l’œuvre qu’il a entreprise de réaliser ce programme et de fonder une science du beau toute formelle (Formwissenschaft). Les objections qu’il adresse à l’esthétique formaliste ne sont pas nouvelles ; d’autres (Schasler) les ont faites. L’auteur les appuie de preuves qu’il est difficile à notre avis de réfuter.

Ces défauts, selon lui, sont : 1o l’individualité des représentations qui ne peuvent revêtir le caractère universel et obtenir une valeur générale ; 2o leur subjectivité et leur passivité. Le sujet reste passif, spectateur de ce qui se pusse en lui-même. Tout se réduit pour lui à une somme du représentations auxquelles il assiste sans y prendre part. N’ayant aucun caractère objectif, elles restent purement relatives. 3o Cette doctrine confond la conditionnalite avec la causalité. Les faits dont il s’agit, sensations, représentations, sont en effet plutôt la condition, non la cause des jugements que l’esprit porte sur la beauté des objets. 4o Ce jeu des représentations, où l’absence de vie est manifeste, forme