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Pas de causes générales, des formules énonçant de simples conditions.

Dans cet étroit domaine, si la science ouvre un champ réel à des observations sagaces, à des recherches de détail utiles et fécondes, elle ne peut aller loin. On doit néanmoins être juste envers elle ; elle excelle à dévoiler les rapports ou les conditions intérieures ou extérieures des faits psychologiques dont elle fait son objet d’étude. Est-ce là tout le problème esthétique ? On a cru trouver le nerf vivant de la sensation esthétique et de sa production dans une suite de lois et avoir fait comprendre son essence intérieure. Mais, ici encore, la logique réclame contre la confusion des questions et des principes. L’expérience vivante proteste à son tour contre une explication mécanique qui exclut la chose principale. Le principe explicatif, le principe des principes, premier ou initial, émerge toujours avec une exigence croissante. Des lois ! soit, mais le principe de ces lois, où est-il ? La cause du plaisir et du déplaisir, quelle est-elle ? Là-dessus, silence complet. Mais on a beau écarter ce fardeau, toujours il retombe sur les épaules.

L’auteur passe ensuite à l’examen des lois esthétiques de Fechner ; il en montre l’inconsistance et surtout le caractère artificiel. Ces lois ne sont pas en réalité des lois, mais des conceptions abstraites que lui-même emprunte à ses prédécesseurs. On les trouve chez lui rangées en séries, fragmentairement exposées : la loi ou le principe du seuil esthétique (der Sehwelle), celui des moyens esthétique (Hulfe), le principe de l’accroissement, de la combinaison, de l’accord, du simple et du multiple, de la contradiction, de l’accord ou de la vérité, de la clarté, le principe d’association, lu loi de l’opposition ou du contraste esthétique, de l’emploi économique des moyens.

Sans insister sur l’absence d’ordre systématique que présentent ces catégories, il est à remarquer que toutes sont uniquement relatives à la tonne ; elles ne s’appliquent qu’au côté extérieur et matériel des formes du beau et de l’art. L’esthétique empirique n’a rien sous ce rapport à envier à l’esthétique formelle.

L’auteur s’attache surtout à démontrer ce qu’a d’insuffisant le principe d’association, qui, On le conçoit, joue un grand rôle dans l’esthétique de Fechner. Ses objections n’ont rien de bien neuf ; on les a faites à l’école anglaise. Le chapitre sur le paysage, que Fechner se plaît à offrir comme spécimen de sa méthode, prouve, selon M. Neudecker, qu’il faut être peu ambitieux pour donner cela comme étant de la véritable science.

En résumé, prétentions vaines à l’exactitude et à la rigueur scientifique ; contradictions, impuissance à résoudre les hautes et intéressantes questions, vraiment philosophiques, de la science du beau et de la philosophie de l’art. Que reste-t-il de cette école et quel est son mérite ? On l’a dit, elle étudie les conditions des faits physiologiques et psychologiques qui appartiennent à cette science : travail préparatoire sans doute fort utile, mais borné, dont l’insuffisance est manifeste. La prétention de supprimer et de remplacer ce qui le dépasse est vaine ;