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langue, 1/2. Ces mesures ont été reprises, contrôlées et corrigées sur certains points ; mais peu importe.

Ces expériences de Weber ont eu le grand mérite d’établir des rapports quantitatifs entre les régions de la peau, au point de vue de la sensibilité tactile ; elles ont eu un autre mérite, plus grand encore à mon avis, celui de soulever un problème nouveau. La question s’est dès lors posée de savoir comment il peut se faire que deux pointes de compas fassent naître, suivant l’écart qu’on leur donne et la région de la peau où on les porte, tantôt deux sensations tactiles, tantôt une seule. C’est sur ce problème que je vais arrêter l’attention du lecteur.


II


Deux explications ont été proposées ; disons un mot de chacune avant de les écarter. La première, simple comme toutes les vues à priori, consiste à dire que, là où deux pointes sont perçues, chacune d’elles a excité séparément une fibre nerveuse, et qu’au contraire, lorsque nous ne percevons qu’une seule sensation, les pointes du compas n’ont excité qu’une seule fibre. On perçoit dans tous les cas autant de sensations qu’il y a eu de nerfs excités. Il est resté une trace de cette explication dans le langage : c’est le terme de cercle de sensation. Si l’on appuie une des deux pointes du compas sur la peau et qu’on cherche jusqu’à quelle distance de la première pointe la seconde n’éveille pas une sensation nouvelle, on circonscrit ainsi un espace qui a la forme d’un cercle ou d’une ellipse. Cet espace, n’étant capable de percevoir qu’une seule sensation, correspond, d’après la théorie, au territoire d’une fibre nerveuse : on l’appelle cercle de sensation.

Cette explication renferme une part de vérité ; sans doute, les portions du tégument dont la sensibilité est très développée sont plus riches en corpuscules du tact que celles dont la sensibilité est encore obtuse. Mais il y a loin de là à reconnaître que tout cercle de sensation est, comme on l’a dit, une grandeur anatomique, le territoire d’une seule fibre. On a constaté qu’il est des régions où les pointes du compas peuvent être séparées par plus de douze papilles nerveuses sans éveiller autre chose qu’une impression unique. Ajoutons que les limites d’un cercle de sensation varient singulièrement avec les conditions où se place l’observateur ; les cercles deviennent