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IV


Il ne reste plus qu’à faire l’énumération de quelques faits d’observation recueillis depuis plusieurs années et qui s’expliquent maintenant d’une façon assez facile.

Si l’on expérimente sur les deux lèvres rapprochées et soudées d’une cicatrice, on voit que les deux pointes d’un compas seront toujours distinguées si l’une est d’un côté de la cicatrice et l’autre de l’autre. Pourquoi en est-il ainsi ? C’est que les deux lèvres, en se rapprochant, ont conservé chacune la sensibilité spéciale qu’elles possédaient quand elles étaient séparées par l’écart voulu pour donner une impression double ; et ce qui est nécessaire à la perception distincte des pointes d’un compas, ce n’est pas l’écartement de ses branches, c’est une manière différente de sentir de la part des points touchés. Le phénomène inverse se produit sur de la peau distendue. M. Czermak a observé que, sur le ventre de la femme pendant la grossesse, il faut augmenter l’écartement du compas pour produire une impression double. On voit donc que la distribution de la sensibilité reste la même sur une surface cutanée, quand des causes normales ou pathologiques viennent modifier la grandeur de cette surface.

Lorsqu’on porte les deux pointes du compas sur deux surfaces différentes, par exemple la muqueuse des lèvres et l’épiderme qui y est contigu, les deux pointes seront toujours senties doubles, quelque petit que soit l’écart. Comment expliquer cela ? Il est clair que la muqueuse de la cavité buccale, quoiqu’elle soit une dépendance de la peau, en diffère essentiellement par sa texture. Ce sont deux téguments de nature différente. N’est-il pas dès lors probable que deux points même très rapprochés choisis sur l’un et sur l’autre tégument présentent quant à leur manière de sentir plus de différence que deux points moins rapprochés et situés tous les deux sur l’épiderme ?

L’attention a une certaine action sur la finesse du toucher. On a observé qu’avec beaucoup d’attention nous pouvons pour ainsi dire dédoubler une impression, qui sans cela nous aurait paru sjmple et percevoir distinctement les deux pressions du compas. Ce phénomène peut aussi être expliqué. Il faut savoir qu’une différence entre deux sensations se traduit pour la conscience sous la forme d’un petit choc que l’on éprouve au moment où l’on passe d’une sensa-