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a. binet. — de la fusion des sensations semblables

tion à l’autre. Ce petit choc est lui-même une sensation, et nous le percevons suivant les mêmes lois que les autres sensations. Or tout le inonde a pu remarquer que telle sensation qui passe inaperçue quand on a l’esprit distrait sera remarquée si l’on y prête un peu d’attention. Le fait est incontestable, quoique difficile à expliquer. Lorsque nous aurons l’esprit en éveil au moment où l’on portera sur notre peau les deux pointes du compas, nous percevrons la sensation élémentaire de choc qui les sépare, et il n’en faudra pas davantage pour que les deux sensations restent distinctes.

L’habitude a en général pour effet de diminuer le diamètre des Cercles de sensation ; à la suite d’un exercice répété pendant une couple d’heures, on parvient à distinguer deux points qu’on avait commencé par fusionner. Pourquoi ? C’est que l’exercice aide puissamment à la différenciation des organes des sens et permet de saisir des nuances de sensations là où d’autres personnes ne constatent que l’identité. Ce fait est sensible sur les aveugles et surtout sur les aveugles de vieille date. M. Goltz a constaté qu’ils présentent des cercles de sensation plus petits que les autres hommes. La raison en est que, privés de la vue, ils sont obligés d’exercer leur sensibilité tactile plus souvent que ceux qui ont des yeux pour se conduire. C’est peut-être à l’effet de l’exercice qu’il faut rapporter l’inégalité de finesse qu’on observe sur les régions de notre peau. Ce qu’il y a de certain, c’est que les parties qui se distinguent sous ce rapport sont celles qui, par leur position, leur mobilité et leur usage, ont le plus souvent l’occasion d’exercer leur sensibilité.


V


L’ensemble de faits que j’ai mis sous les yeux du lecteur lui permettra de se faire une idée très nette de la manière dont deux sensations semblables arrivent à se fusionner. On peut répéter les mêmes expériences et les mêmes raisonnements sur les sensations visuelles, qui se fusionnent dans les mêmes conditions que les sensations du toucher. Le procédé dont on se sert rappelle celui du compas de Weber ; on prend deux fils très fins et on les place à une distance déterminée de l’œil ; suivant que l’on éloigne ou que l’on rapproche ces deux fils l’un de l’autre, leurs images se font distinctement ou se fusionnent. L’écart à donner aux deux fils pour qu’ils