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analyses. — wigand. Der Darwinismus.

logue du passé. En conséquence, ils expliquent d’après des faits d’expérience actuelle, mais en les grossissant (sélection, concurrence vitale, hérédité, adaptation, variabilité), la formation successive et progressive des espèces organiques. C’est cette similitude du passé et du présent qui est précisément contestée. Beaucoup pensent au contraire, avec Cl. Bernard et maints physiologistes, que l’établissement des espèces a exigé un équilibre des forces physiques tout différent de l’actuel.

Sur ce point capital l’entente n’a pu se faire entre les physiciens et les biologistes. Ceux-ci, instruits par l’étude quotidienne des phénomènes de la vie, retrouvant toujours au fond de toutes les manifestations physico-chimiques de l’organisation une « condition invisible » (Cl. Bernard), sont amenés à penser que, s’il y a en effet une physique générale dont les lois souveraines s’imposent à tous les êtres de l’univers connu, cette physique abstraite ne nous autorise pas à confondre les phénomènes de la matière inorganique et ceux de la matière organisée, en un mot que, si l’évolution vitale obéit elle-même au déterminisme des lois mécaniques, elle n’en constitue pas moins un mécanisme sui generis, irréductible de sa nature.

Nous sommes ici sur les sommets de la pensée scientifique. L’évolution de l’univers, selon les uns, n’est que la répétition sous des formes infiniment variées des mêmes actions physiques et mécaniques des atomes : ce sont toujours les mêmes acteurs, malgré le changement magique des figures. Mouvement intégré et mouvement désintégré, voilà le grand secret de l’existence. Selon les autres, l’évolution totale de l’univers serait mieux comparée à l’évolution des organismes, qui se fait continûment sans doute, mais sans exclure les secousses ou les métamorphoses. Voyez la chenille devenant avec le temps chrysalide et papillon. En termes plus simples, il y a des époques de la Nature, comme il y a des époques de la vie individuelle : c’est d’abord un germe enveloppé d’une matière homogène, puis c’est un organisme animé d’une vitalité féconde et produisant à son tour une floraison d’organismes nouveaux. L’âge de la création, ou de la virilité, est passé pour notre microcosme : qui sait combien de temps encore attendra l’éclosion des formes vivantes possibles que révèle e l’ample sein de la nature » ?

Voilà la thèse et l’antithèse. La conception biologique de l’univers doit-elle détrôner sa rivale aujourd’hui préférée, la conception physicochimique ? Une intelligence assez vaste pour embrasser le tout des choses ne pourrait-elle pas ramener les lois et les phénomènes du monde inorganique aux lois et phénomènes de la vie universelle ? Le dernier mot de l’énigme est-il la Vie ou le Mouvement ? tel est le problème, que nul actuellement n’est en mesure de résoudre.

La question de l’origine des espèces, comme toutes les questions d’origine, est donc nécessairement un objet de spéculation. Les solutions proposées, combattues ou adoptées, n’expriment et ne peuvent