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II

Les Faits.

On nous assure que parmi une foule innombrable d’individus la sélection choisit et maintient tel individu en raison d’une adaptation plus complète à ses conditions d’existence ; les autres du même coup sont éliminés. Il suit de là, remarque Wigand, que la sélection naturelle n’exerce qu’une sorte de blutage et ne crée nullement des formes nouvelles, (Die natürliche Zuchtwahl wirkt nur sichtend, nicht formbildend.) Où sont les causes efficientes de ces variations primordiales entre lesquelles celle-ci fait son choix ? « Pourquoi d’une mère commune sort-il des descendants diversement conformés ?… La chose est tout uniment attribuée à la variabilité comme à une propriété intime de l’organisation, et dès lors cette variabilité est traitée en âge réellement producteur et créateur des formes organiques, en cause efficiente. Au fond, le raisonnement de Darwin se ramène à cette proposition déraisonnable (unsinnig) : l’origine des formes réellement existantes s’explique par cela même que, en dehors de ces mêmes formes, d’autres en nombre immense auraient pu exister. »

Le principe de divergence vient à propos expliquer la disparition des formes intermédiaires. « En dehors de l’utilité du caractère propre à l’espèce, la simple divergence de deux formes organiques constituerait dans le combat pour l’existence une chance de durée directement proportionnelle à l’importance de l’écart, tandis que les formes d’entredeux pour cette même raison seraient appelées à périr. » — Il est vrai que la spécialisation des facultés humaines, à cause de l’habileté qu’elle entraîne, crée à l’individu une supériorité marquée sur la médiocrité de son entourage : mais cette loi de l’association humaine n’est pas une loi de la nature. De plus, pourquoi les espèces extrêmes, à l’exclusion des autres soumises pourtant aux mêmes conditions d’existence, seraient-elles mieux adaptées que les intermédiaires à ces conditions ? Enfin, d’après ce principe lui-même, les termes les plus extrêmes devant seuls subsister, — comme les algues et les mammifères, — le groupement des espèces ne devrait pas être ce qu’il est en effet’: une juxtaposition d’espèces semblables, ou une hiérarchie d’espèces inférieures et supérieures reliées entre elles par de nombreuses affinités.

L’étude des caractères morphologiques des systèmes d’êtres organisés exclut cette conséquence. « Les marques distinctives de deux espèces parentes, de deux genres, etc., reposent sur des rapports de structure qui chez les animaux pour la plupart, et chez les plantes presque sans exception, sont indifférents à l’énergie vitale et à la des-