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périodiques. — Zeitschrift für Völkerpsychologie.

corps, l’entourage, les pensées, les sentiments de l’individu. Un progrès de la réflexion et de l’expérience fait comprendre à l’homme que le moi persiste dans son unité inviolable à travers modifications incessantes de sa vie physique et morale. La volonté finit par se montrer comme le principe même de la véritable personnalité. Tout ce que l’homme fait sans le vouloir ne relève plus de son moi, est considéré comme l’œuvre d’une puissance supérieure, étrangère à lui. On rejette les fautes de l’individu sur l’influence du corps ; et l’opposition de la chair et de l’esprit traduit cette distinction de la volonté responsable et des fatalités organiques qui pèsent sur elle. Dès qu’il a cessé de se confondre avec le corps, le moi ne tarde pas à se déclarer indépendant de la matière à laquelle il est associé, à concevoir la possibilité de la transmigration des âmes. Un pas de plus dans la voie de l’abstraction, et le moi aspire à s’identifier avec l’être universel, cette négation de toute individualité, cette divinité abstraite, qui ne semble parfois qu’un autre nom du néant lui-même. « Mais il en est du moi abstrait comme de tout concept général : chacun déclare qu’il faut le concevoir affranchi de toutes les différences spécifiques : mais personne ne peut en réalité satisfaire à cette exigence ; personne ne réussit mieux à concevoir un cercle sans diamètre déterminé ou une ligne sans aucune épaisseur, qu’un moi sans aucun contenu déterminé, un moi du moins affranchi de tout caractère individuel. »

Steinthal : L’idée morale de perfection.

On a fait longtemps de la perfection le principe et l’essence de la moralité. Pour le Grec, pour le Romain, pour l’Allemand, la perfection et les mots qui la traduisent (τελειον, perfectum, vollkommen) éveillent l’idée de quelque chose de complet, d’achevé, à quoi rien ne saurait manquer. Pour Platon et Aristote, le bien et le parfait sont identiques.

Chez Herbart, la perfection n’est plus qu’un des cinq éléments dont se compose la moralité, et qui sont la perfection, le libre arbitre, la bienveillance, la justice et la compensation. Personne n’a encore soutenu que la moralité pût se passer des quatre derniers éléments ; mais les disciples, aussi bien que les adversaires de Herbart, contestent que l’idée de la perfection, au sens où la prend Herbart, doive figurer parmi les principes de l’éthique. C’est que les autres idées, comme le reconnaît expressément Herbart, expriment des relations qualitatives de la volonté individuelle avec les autres volontés, tandis que l’idée de perfection est purement quantitative et ne nous sert qu’à mesurer les degrés différents de l’activité volontaire, l’extension et l’intensité de son énergie. — De la discussion approfondie à laquelle il se livre, Steinthal conclut que l’idée du parfait, entendue comme un rapport de plus et de moins, n’est ni une idée morale ni une idée esthétique, ou, pour tout dire, qu’elle n’est pas une idée.

« La force de la volonté est en soi quelque chose de mécanique, qui peut bien être l’objet d’une dynamique psychique, mais non de l’éthique ; qui peut éveiller notre intérêt, mais n’a rien à démêler avec une