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périodiques. — Zeitschrift für Völkerpsychologie.

fortement ; il ne fait attention qu’aux substantifs qui désignent l’objet sur lequel porte l’action commandée, et n’écoute ni ne comprend guère les verbes.

O. Fluegel : Sur le développement des idées morales.

Il est très difficile de mesurer exactement la valeur des mots qui traduisent l’approbation ou la désapprobation morale. Le même mot, ainsi bon et mauvais, s’applique aux actes les plus dissemblables ; le même acte peut être envisagé sous des points de vue très divers. Il n’est pas non plus douteux que, dans toutes les langues, les termes qui désignent aujourd’hui la perfection morale ou la perfection absolue, n’aient servi d’abord à l’expression de qualités physiques et purement relatives : ainsi le mot vertu, ἀρετη. Le jugement moral est assurément la plus belle, la plus haute manifestation de la raison pratique ; mais il est loin d’être la première en date. Qu’on parcoure Homère, ou les plus anciens recueils de sentences morales : on y verra combien les conseils de l’intérêt y tiennent plus de place que les maximes de la vertu proprement dite. — Fluegel se propose de suivre l’évolution qui fait insensiblement sortir des jugements les plus vulgaires sur l’agréable et l’utile les notions véritablement morales. L’idée de la sympathie se prête mieux que toute autre à cette étude historique. — N’a-t-elle pas ses racines dans les tendances les plus générales des êtres vivants, dans les profonds instincts sur lesquels reposent la famille et la société humaine ? Il convient de commencer par elle notre étude. Les idées de la perfection, du droit, de la justice et de la liberté morale viendront ensuite. — La faculté de compatir aux souffrances, de s’intéresser aux besoins d’autrui, la sympathie, en un mot, se rencontre chez tous les êtres, sans doute à des degrés différents. Meyer nous raconte qu’un homme du monde fut tellement impressionné par les cris d’un enfant dont le doigt venait d’être écrasé entre les deux battants d’une porte, qu’il crut pendant trois jours ressentir à son propre doigt une souffrance du même genre. Reclam nous apprend qu’une femme ne put assister à l’accouchement d’une de ses amies, sans ressentir des douleurs analogues et sans être prise elle-même d’une sorte de sécrétion lactée. Si les manifestations de la sympathie ne sont pas d’ordinaire aussi énergiques, on ne saurait pourtant méconnaître la force que ce sentiment puise dans la communauté du sang et dans l’unité d’origine. On objectera peut-être que le meurtre des vieillards par leurs enfants, des infirmes et des nouveau-nés par leurs propres parents, n’est pas une rareté dans l’histoire des peuples. Les Arabes avant Mahomet tuaient fréquemment les tilles à leur naissance ; mais ils ne songeaient par là qu’à les soustraire à la captivité, au déshonneur, qui sont le lot des femmes dans les tribus menacées par de puissants voisins. Ces exemples, comme mille autres, ne prouvent pas contre l’universalité du sentiment que nous étudions. — Sans doute l’antipathie vient bientôt restreindre l’action de cette bienveillance primitive dans le cœur de l’homme. Tout ce qui fait violence