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on peut, par l’excitation directe, faire contracter les muscles (rudimentaires chez l’homme) qui meuvent le pavillon de l’oreille ; or ces mouvements de l’oreille sont impossibles chez les individus éveillés. En ouvrant l’œil droit, on provoque la catalepsie du côté droit, par suite des actions doublement croisées des nerfs optiques et de la moelle. Chez une autre hystérique, en ouvrant l’œil droit, on produit de l’aphasie, tandis qu’en ouvrant l’œil gauche, on n’obtient rien de semblable. Certes, si c’est de la simulation, il faut supposer que la malade sait qu’on parle par le cerveau gauche et que la rétine de l’œil droit est en rapport avec le cerveau gauche, tandis que le cerveau droit est inutile à la parole.

Tous ceux qui ont vu les contractures des hystériques pendant leur somnambulisme se rendent bien compte que ces perturbations du système musculaire ne sont pas simulées. Il n’y a pas d’individu assez fort pour maintenir, par l’influence de la volonté, la contraction d’un muscle pendant un quart d’heure, sans qu’on puisse y surprendre la plus légère tendance à la faiblesse et au relâchement. Or les somnambules conservent leur contracture pendant plusieurs heures ; et, au réveil, elles n’ont aucun souvenir, aucune fatigue, de cet effort prolongé et invraisemblable du muscle. Quant aux attitudes dites passionnelles, où les divers mouvements de l’âme sont exprimés avec une puissance inouïe, je doute fort qu’il y ait au monde d’assez bonnes comédiennes pour jouer ces scènes de mimique avec autant de succès que les pauvres filles hystériques de la Salpêtrière. Tous les somnambules se comportent de même ; leur mimique est si expressive, les sentiments d’extase, d’amour, d’admiration, de colère, de dégoût, de mépris, de menace, sont traduits avec une si saisissante vigueur, que tous ceux qui ont assisté à de pareilles scènes restent convaincus qu’il n’y a pas de simulation possible.

Le plus souvent, chez les somnambules, il y a de l’anesthésie et de l’analgésie. Ces deux phénomènes sont constants, ou à peu près. On a maintenant l’habitude de dire que l’anesthésie est un fait de simulation. Certes, à considérer les choses d’une manière absolue, on peut feindre l’insensibilité. Mais combien de personnes auraient le courage de supporter, sans motif sérieux, des piqûres à la face, aux narines, aux mains ; de se laisser arracher les cheveux, chatouiller la conjonctive, le nez, les oreilles ; traverser le bras par des épingles ; de boire des liqueurs nauséabondes ; de respirer avec délices de l’ammoniaque ou de l’acide sulfureux ? Voilà des supplices qu’on endurerait pour le seul plaisir de duper le naïf médecin qui regarde cela curieusement et prend des notes. Presque toutes les somnam-