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ch. richet. — du somnambulisme provoqué

campagne, n’ayant jamais entendu prononcer le mot de magnétisme, pourraient-elles simuler ce qu’elles ignorent ? Par quelle divination une malade que j’ai endormie à la Charité, et qui n’avait jamais assisté à des scènes de somnambulisme, se comportait-elle absolument comme une malade de l’hôpital Beaujon qui venait de province, et que j’ai endormie le jour même de son entrée ? Voilà du merveilleux, tout aussi merveilleux que les phénomènes mirifiques obtenus par les magnétiseurs de profession. Ainsi tout cela ne serait que simulation, et le premier simulateur (le petit paysan Victor, endormi vers 1800 par M. de Puységur), ayant donné l’exemple d’un certain sommeil, tous les autres sujets qu’on croit endormir ne feraient qu’imiter la fantaisie de ce petit imposteur[1] !


3o Supposons même qu’il y ait supercherie, et examinons si cette supposition pourrait s’accorder avec les faits. Je crois pouvoir affirmer le contraire, car la simulation, si elle était pratiquée, supposerait une connaissance approfondie de l’anatomie et de la physiologie. M. Charcot insiste beaucoup sur ce fait que, chez certaines somnambules, les nerfs étant comprimés ou même légèrement touchés, par suite de leur extrême excitabilité, les muscles innervés par eux se contractent. Ainsi, en comprimant le nerf facial, on fait contracter le muscle zygornatique, le muscle canin, l’élévateur commun de l’aile du nez, etc. En excitant le muscle sterno-mastoïdien, on fait que ce muscle se contracture ; la tête alors se tourne du côté opposé. Or il faut une étude déjà approfondie de la physiologie des mouvements pour savoir que le sterno-mastoïdien fait, en se contractant, tourner la tête du côté opposé. Chez les somnambules,

  1. Il y a quelque temps, voyageant en Algérie, préoccupé de chercher une preuve de la réalité du somnambulisme, j’essayai d’endormir une femme arabe du village nègre de Biskra (un officier de mes amis, qui connaissait la langue arabe, me servait de truchement). En quelques minutes, cette femme, sentant ses paupières s’alourdir, dit à sa compagne stupéfaite : « Mes yeux se ferment. » — « Dis : par Allah ! lui conseilla celle-ci. » — « Par Allah ! mes yeux se ferment. » Et, en effet, elle ne tarda pas à s’endormir, à la grande surprise de tous les assistants. Est-ce encore l’influence du petit Victor qu’il faut incriminer ?

    À l’hôpital de la Pitié, j’ai fait une seule expérience, pour laquelle je me suis mis, je pense, à l’abri de toute cause de simulation. La jeune fille sur qui j’expérimentais ne savait pas ce que je voulais faire. Je lui disais que je l’électrisais pour un mal qu’elle avait au genou, et défait on plaçait une pile électrique près du lit. Cette pile, que la malade croyait très énergique, ne marchait pas. Cependant ma patiente éprouvait de la somnolence, et une lassitude telle qu’elle était forcée de fermer les yeux. Comme je ne voulais pas faire de passes, et que je me contentais de serrer fortement les deux pouces, je n’ai pas pu obtenir le sommeil complet ; mais nombre de fois je suis arrivé à produire une somnolence très manifeste.