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ch. richet. — du somnambulisme provoqué

intellectuel. Il faut cependant de la patience et presque de l’entêtement pour les faire parler, car ils ont une tendance naturelle à ne pas vouloir se laisser secouer de leur inertie mentale ; mais, en insistant, on parvient à obtenir quelques réponses. Ces réponses sont d’autant plus nettes que le sujet a été plus souvent endormi.


a. Hallucinations. — Un point sur lequel mes recherches ont souvent porté, c’est sur les hallucinations. Ainsi je disais à mon ami R… : « Voici ma montre, elle est dans ma main ! » Il la voyait aussitôt, et pouvait en distinguer le cadran et les aiguilles. Jamais cependant il n’est arrivé à dire exactement à quel endroit du cadran j’avais placé les aiguilles. Cela signifie simplement que, sous l’influence de cet état psychique particulier qui est le somnambulisme, l’imagination surexcitée présente les objets sous leur forme visible et non comme des idées abstraites.

Chez tous les somnambules, chaque fois qu’une idée est évoquée, aussitôt cette idée se présente comme une image. Les personnes les plus ignorantes des phénomènes habituels du magnétisme se servent toujours, étant endormies, de ces expressions : « je vois, je ne vois pas, je ne distingue pas très bien ; » comme si chaque objet avait revêtu une forme visible, et se présentait à l’esprit sous cette apparence.

Les images sont souvent si nettes et si précises qu’elles sont prises pour des réalités. Je pourrais donner de ce fait de nombreux exemples. Ainsi, je disais à mon ami R… : « Regarde ce lion ; » alors R… s’agitait, et sa figure exprimait une vive terreur. « Mais il vient, disait-il, il s’approche, allons-nous-en vite, vite… » Et il s’agitait sur son fauteuil, et sa crainte provoquait presque une véritable crise nerveuse.

Les magnétiseurs ont la prétention de faire voyager leurs sujets à travers l’espace et de les faire assister à des scènes lointaines. Le fait est parfaitement exact. Seulement l’erreur est de croire que ces rêves sont des réalités, et que ces visions sont en rapport avec l’existence des choses extérieures. Ainsi je disais à une malade de Beaujon : « Venez avec moi ; nous allons sortir et voyager ! » et alors, successivement, elle décrivait les endroits par où elle passait ; les corridors de l’hôpital, les rues qu’elle traversait pour se rendre à la gare, puis elle arrivait à la gare ; et, comme elle connaissait tous ces endroits, elle indiquait avec assez d’exactitude les détails des lieux que son imagination et sa mémoire, également surexcitées, lui représentaient sous une forme réelle. Puis, brusquement, on pouvait la transporter dans un site éloigné qu’elle ne connaissait pas, au lac