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ch. richet. — du somnambulisme provoqué

du cercueil. À ce moment, elle éprouva une telle émotion, un sentiment d’horreur et de dégoût tel que jamais je n’oublierai l’expression qui se peignit sur ses traits. À la suite de cette émotion, trop forte, j’en conviens, elle fut atteinte d’une crise nerveuse qui dura près d’une heure, et que j’eus beaucoup de peine à calmer.

C’est toujours avec étonnement que j’ai constaté la vivacité d’impression des sujets endormis. Ainsi je disais à mon ami F… : « Viens avec moi, nous allons partir en ballon… Nous montons, nous sommes dans la lune ! » Et, à mesure que je parlais, il voyait les péripéties de ce fantastique voyage. Tout d’un coup il éclata de rire. « Vois donc, me dit-il, cette grosse boule brillante qui est là-bas ! » C’était la terre que son imagination lui représentait. Il voyait aussi des bêtes fantastiques, et, comme j’annonçais vouloir les ramener avec moi : « Je te reconnais bien là, disait-il ; tu ne sais seulement pas comment nous ferons pour redescendre et tu veux te charger de ces gros animaux-là… » Il disait cela très sérieusement, et se fâchait tout de bon. « Prends-les si tu veux, répétait-il ; moi je ne veux pas m’en embarrasser, » Néanmoins, il se rendait compte de l’étrangeté de ces visions : « Quel beau récit de voyage à faire ! mais, par malheur, on ne nous croira pas. » Lorsqu’il se fut agi de redescendre, j’imaginai de tendre une ficelle et de nous laisser choir sur la terre le Ions ; de cette ficelle tenue par la main. Pendant cette dangereuse excursion, il m’arrêta tout d’un coup, en me disant que la ficelle lui brûlait les mains. Ce qui l’empêchait de douter de tous ces rêves, c’est qu’ils se présentaient à lui sous la forme d’images et de faits. De même qu’un halluciné ne peut mettre en doute les assemblages que construit son cerveau malade, de même un somnambule ne peut douter des rêves qui apparaissent à lui sous une forme sensible.

On peut aussi annoncer aux individus endormis qu’ils sont changés en telle ou telle forme de bête ; que leur nez a pris des développements exagérés ; qu’ils ont trois bras, un seul œil, etc. Toutes ces visions étranges sont aussitôt aperçues. Un jour, je dis à madame X… qu’elle était changée en perruche, puis, je ne sais pourquoi, je n’y pensais plus ; lorsque, tout d’un coup, elle me demanda très-sérieusement si elle pouvait manger le chènevis qu’on avait mis dans sa cage.

Nous arrivons maintenant à un autre ordre de symptômes, bien plus nettement accentués que dans le rêve ordinaire. Chacun sait qu’on éprouve dans le sommeil des sensations qui se rapportent aux actions qu’on croit faire. Par exemple, on a froid si l’on se croit en hiver, et inversement on a chaud si l’on se croit en été, etc. Chez tous les somnambules rien n’est plus facile que d’observer des phé-