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nomènes analogues. Ainsi, un jour à une des malades de Beaujon je dis de fumer ; quelques instants après, j’avais oublié cette recommandation, lorsqu’au bout de cinq à six minutes elle se mit à tousser violemment, et, comme je lui en demandais la cause, elle m’assura que c’était la fumée du tabac. Quelquefois je supposais vouloir atteindre le sommet d’une tour, et elle était fatiguée de monter, puis je lui disais de se jeter du haut de la tour, et elle s’imaginait tomber. Elle avait alors les membres endoloris et déclarait éprouver de vives souffrances. (Qui de nous n’a éprouvé en rêve des sensations analogues ?) À une autre malade, également endormie, j’annonçais que j’arrachais une dent, et aussitôt la pauvre fille poussait des cris de douleur, comme si j’avais réellement exécuté cette opération. Lorsque j’endormis miss C… cédant à son désir, je la fis voyager sur un steamer allant à New-York ; la vue du vaisseau lui inspira un vif enthousiasme : « Entendez-vous comme il siffle ? » Mais bientôt elle pâlit, et, rejetant la tête en arrière, eut de véritables nausées, comme si elle avait ressenti le mal de mer.

Ce qu’il y a d’assez surprenant, c’est que souvent cette extrême sensibilité des excitations psychiques coïncide avec une anesthésie presque absolue. C’est un curieux spectacle que de voir une somnambule faire des gestes de dégoût, de nausée, éprouver une véritable suffocation quand on lui met sous le nez un flacon vide, en annonçant que c’est de l’ammoniaque, et d’autre part, quand on lui annonce que c’est de l’eau claire, respirer de l’ammoniaque sans paraître en être gênée le moins du monde. Chez certains sujets, rien n’est plus simple que de provoquer le vomissement. Il suffit de leur dire : « Voilà une mauvaise odeur. » On peut aussi leur faire prendre part à des repas splendides, imaginaires, ou leur faire avaler les plats les plus dégoûtants en affirmant que ce sont choses exquises. À Beaujon, je composais des breuvages odieux, mais inoffensifs, mélange d’huile, d’encre, de café, de vin, et les malades endormies se disputaient ce ragoût détestable, dès que je leur avais annoncé que c’était du chocolat, délicieux ou de la bière.

J’aurais à rapporter un grand nombre de faits semblables ; mais il suffit d’en indiquer quelques-uns pour faire apprécier le phénomène. Ou pourrait le caractériser en disant que dans l’état somnambulique les hallucinations peuvent être provoquées. C’est un état de suggestion hallucinatoire, terme incorrect, mais qui exprime clairement le fait lui-même.


b. Suggestions. Le premier, Braid a montré qu’en mettant les membres dans une attitude déterminée on provoque des idées, et