Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/452

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
442
revue philosophique

le rapport entre les phénomènes de la sensibilité et tous les autres phénomènes psychiques. Les sentiments ont été tantôt confondus avec les sensations ou les idées, ou les actes de la volonté ; tantôt pris pour des phénomènes à part, et c’est là la première série de faits qui a suggéré les différentes théories sur la nature des sentiments. Les psychologues qui ont confondu les sentiments avec les sensations et les idées ont dû les prendre pour le produit d’une estimation subjective des rapports externes (des objets entre eux) ou mixtes (des objets vis-à-vis du sujet). Ceux qui les ont confondus avec les phénomènes de la volonté ont dû les considérer aussi comme le résultat d’une estimation subjective de rapports mixtes, et vice versa, des rapports du sujet, vis-à-vis des objets extérieurs. Enfin ceux qui les ont pris pour des phénomènes à part ont dû les mettre sur le compte d’une estimation subjective de quelques rapports internes, par exemple entre l’énergie et l’activité de l’organisme. C’est ce point de vue qui a été accepté par Aristote et les péripatéticiens, par les sensualistes et les matérialistes du xviiie siècle, et par la plupart des psychologues modernes depuis Hamilton.

Mais l’estimation subjective peut être aussi consciente qu’inconsciente, aussi bien relative qu’absolue, et de là quatre nouveaux points de vue dans les limites de chacune des quatre grandes théories possibles. Il résulte cependant de la critique de l’auteur que les meilleurs représentants de la psychologie du xviiie et du xixe siècles ont été d’accord pour admettre que les sentiments présentent le produit conscient d’une estimation subjective, inconsciente et relative des rapports internes. Il ne s’agit donc que de définir quels sont ces rapports internes eux-mêmes qui servent de base à la sensibilité. Mais c’est dans les réponses à cette question qu’on trouve le plus de désaccord entre les différents représentants de la psychologie. L’auteur lui-même, après une longue critique, accepte la théorie qui admet des rapports entre l’énergie et l’activité des organes. Comme l’énergie elle-même n’est que le produit d’une activité organique sui generis, il préfère remplacer ces termes généralement usités par les termes nouveaux de travail positif et négatif moléculaire des tissus de l’organisme, acceptés déjà par Wundt et Horwicz. Les rapports différents de ces deux processus organiques peuvent être exprimés par quatre formules, qui correspondent à leur tour à deux espèces de plaisir et deux espèces de douleur, positives et négatives, comme disait Léon Dumont. Les voici :

1o Le travail moléculaire négatif dépasse les limites du travail moléculaire positif, qui l’a précédé : peine négative, défaut d’activité, besoin, privation. — 2o Le travail moléculaire positif s’effectue dans les limites assignées par le travail moléculaire négatif précédent : plaisir positif, jouissance. — 3o Le travail moléculaire positif dépasse les limites du travail moléculaire négatif qui a précédé : peine positive, douleur, fatigue. — 4o Le travail moléculaire négatif se produit dans les limites marquées par le travail positif précédent : plaisir négatif, repos, restauration des forces.