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ch. richet. — du somnambulisme provoqué

des émotions qu’il ressent et des mouvements qu’il fait. Tout cela certes est bien hypothétique, et nos conclusions sont toutes négatives ; mais c’est quelque chose que de savoir reconnaître qu’on n’a que des solutions négatives.


Toutes les causes que nous indiquons peuvent échouer et échouent, lorsqu’on veut rigoureusement en adapter l’application à tel ou tel individu qui n’a jamais été endormi. Au contraire, chez des individus sensibles, tout réussit, et la difficulté est inverse. Au lieu de chercher un moyen qui réussisse toujours, il s’agit alors de trouver un moyen qui échoue toujours, et on n’en trouve pas. Le tic-tac d’une montre, le contact de la main, la vibration d’un diapason, le simple contact d’un objet inanimé, un geste brusque, une lumière vive, une parole, un regard même sont devenus des causes suffisantes. De sorte que, dans un cas, l’insuccès des tentatives ; dans l’autre cas, leur trop de facilité doivent nous faire douter de la valeur des explications que nous donnons.

M***, que j’endormais à l’hôpital Beaujon, était devenue tellement sensible que lorsque j’entrais dans la salle, avec ou sans volonté de l’endormir, elle s’endormait. C’est progressivement qu’elle était arrivée à un tel degré de sensibilité. Ainsi, la première fois, je n’ai pas pu l’endormir, la seconde fois le sommeil est arrivé au bout de dix minutes, la troisième fois au bout de cinq minutes, etc. À la cinquième expérience, je l’ai endormie en lui touchant le front. Quelque temps après il me suffisait de m’approcher de son lit. Plus tard enfin, dès que j’entrais dans la salle, elle s’endormait aussitôt qu’elle m’avait vu. Ce qui rend l’explication difficile, c’est que le sommeil ne survenait pas toujours. Souvent je m’approchais de son lit, et je causais avec elle, sans qu’il y eût de changement dans son état. Il suffisait alors pour provoquer le sommeil d’une excitation quelconque. Un bruit sec, par exemple le choc des deux mains l’une contre l’autre, ou une parole prononcée à voix forte, comme : « Dormez ! » amenait soudain l’état soinnambulique. On peut comparer l’état physiologique de cette malade à la situation d’un objet en équilibre instable, qui, sous l’influence d’un minime ébranlement, tombe aussitôt.

Même en éliminant ces cas où la sensibilité au somnambulisme est extrême et presque maladive, on constate des faits curieux, qui doivent nous faire séparer complètement les cas où le somnambulisme a été la première fois obtenu, et les cas où le sujet a été rendu extrêmement sensible par les expériences antérieures.