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M. A. Heidenhain, d’abord endormi difficilement par son frère, l’a été très facilement ensuite ; même lorsque les mains de M. R. Heidenhain étaient recouvertes de gants épais. De même, mes amis F***, et R***, chez qui le sommeil est survenu d’abord avec peine, ont fini par être très sensibles, et je pouvais les endormir avec des passes faites à une distance de 2 mètres et même plus.

Ce sont tous ces faits, et d’autres aussi difficiles à comprendre, qui expliquent cette idée vulgaire et très probablement erronée que la volonté du magnétiseur est la cause du sommeil du magnétisé. Ce dernier s’endormant très facilement, et le magnétiseur voulant l’endormir, tout naturellement on établit une relation de cause à effet entre ces deux phénomènes, quoique cette relation ne soit appuyée sur aucune preuve, et soit restée jusqu’ici inaccessible à toute démonstration scientifique.

Peut-on endormir non seulement à distance, mais même lorsque le patient n’est pas averti de la présence du magnétiseur et ne le voit ni ne l’entend ? Quoique certains faits m’aient paru, à de rares intervalles de temps, confirmatifs de cette opinion étrange, je n’ai pas pu cependant la mettre encore hors de contestation. En pareille matière, lorsqu’il s’agit d’idées aussi étonnantes et invraisemblables, on ne doit pas se contenter d’un fait isolé ; il faut accumuler les preuves, les précautions, s’entourer de toutes les garanties contre les erreurs ou les tromperies, de manière à pouvoir affirmer qu’un fait est, parce qu’on sait qu’on le reproduira toutes les fois qu’on le désire. Ce dernier caractère est le seul qui distingue une vérité scientifique d’une téméraire allégation. Aussi, tout en étant résolu à poursuivre les difficiles expériences qui sont à tenter dans cette direction, je suis porté à croire que le sommeil ne peut être provoqué lorsque le patient n’est pas averti de la présence du magnétiseur, quels que soient les efforts de volonté que celui-ci déploie pour amener le sommeil.

Il pourra paraître singulier à certaines personnes que l’on fasse même des expériences dans ce sens ; on m’accusera probablement d’être crédule à l’excès. Je crois cependant me conformer à une impartialité scientifique élémentaire, en ne repoussant pas à priori une opinion, quelque étrange qu’elle paraisse. En pareille matière, ce qui est peu intelligent, c’est la négation à outrance. Que savons-nous de définitif sur les fonctions du système nerveux ? Y a-t-il un plus grand aveuglement que de se refuser à chercher, sous prétexte que nous en savons assez pour nier’? Si l’on avait annoncé sans plus de détails à un contemporain de Galilée qu’on peut entendre à Paris une conversation qui a lieu à Rome, comme cela se fait aujourd’hui,