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p. tannery. — l’éducation platonicienne.

Mais nous n’en avons pas moins des motifs suffisants, ce nous semble, pour penser que ce n’est point là non plus l’objet du texte de Platon. Le théorème d’Eudoxe a été, il est vrai, un pas immense, mais les conséquences ont été immédiatement épuisées par son auteur lui-même ; ce n’a point été le début d’une ère nouvelle. D’autre part, l’intérêt de ce théorème est surtout pratique, et, comme tel, il devait moins attirer l’attention de Platon, qui se montre constamment dédaigneux des applications.

Comment faut-il donc entendre le texte[1] : ἔστι δὲ που τοῦτο περὶ τὴν τῶν κύβων αὐξην καὶ τό βάθους μετέχον ? Il évoque immédiatement à la pensée ce fameux problème de Délos, la duplication du cube ou son augmentation dans un rapport donné, problème qui était de fait, alors, le principal objectif des mathématiciens, que déjà Archytas et Eudoxe avaient brillamment traité, dont Platon lui-même a donné une élégante solution mécanique[2] et qui, longtemps encore, devait préoccuper les savants. Comme on le sait, ce problème est identique à celui de l’invention des deux moyennes proportionnelles, que l’auteur du Timée fait résoudre idéalement par le Démiurge pour la formation des quatre éléments.

Si nous regardons d’ailleurs, ainsi qu’il est naturel, le passage de l’Epinomis[3], 990 d, comme le commentaire de celui de la République, et si nous devons croire que ce commentaire a été écrit par un disciple fidèle à la pensée du maître, il est clair que nous nous trouvons ici sur la voie de la véritable interprétation, et il est désormais facile de nous orienter d’après les remarques suivantes.

Dans l’antiquité classique, on a constamment appelé problèmes plans les problèmes de géométrie, soit plane, soit dans l’espace, qui peuvent se résoudre par l’intersection de droites ou de cercles, autrement dit, avec la règle et le compas ; ce sont, pour la géométrie analytique des modernes, les problèmes du premier et du second degré. On appelait au contraire problèmes solides (soit dans le plan, soit dans l’espace) ceux qui nécessitent l’intersection de sections coniques, c’est-à-dire nos problèmes des troisième et quatrième degrés ; enfin on nomma grammiques les problèmes de degrés supérieurs ou les transcendants qui exigeaient l’emploi de courbes spéciales.

Cette dernière distinction est, de toute nécessité, relativement

  1. Civitas, VII, 528 b.
  2. Conservée par Eutocius dans son commentaire sur le traité d’Archimède, De la sphère et du cylindre, liv. II, prop. 2.
  3. Nous reviendrons tout à l’heure sur ce passage.