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fait celle qu’on connaît. Paracelse s’y montre plutôt un savant qu’un philosophe. L’idée de l’évolution domine sa doctrine, quoiqu’on n’en trouve pas le nom chez lui et qu’on ne le rencontre pour la première fois que chez Bœhme. Mais Paracelse ne conçoit pas l’évolution, au sens du monisme mécaniste d’aujourd’hui, comme supprimant l’intervention de la finalité créatrice. La cosmologie chrétienne et le dogme de la création sont pour lui des vérités indiscutables. Son originalité consiste à concevoir le monde comme un être vivant, qui parcourt dans sa durée toutes les phases de l’existence individuelle : c’est en ce sens que sa philosophie de la nature est évolutioniste. Dieu, en créant le monde, a déposé dans la matière première et informe tous les germes, dont il a fait sortir ensuite, pendant l’œuvre des sept jours, les espèces avec leurs caractères définitifs. Cette période de création et de formation pour le monde correspond chez l’individu à la période de la vie embryonnaire. Alors commence pour le monde, comme pour l’individu, le développement, à travers la durée et l’espace., de l’être ainsi constitué dans ses caractères essentiels.

La vie du monde, comme celle de l’individu, ne doit s’arrêter que lorsqu’il aura épuisé toutes les formes de développement dont il porte en lui le germe. « Le ciel change tous les jours ; lui aussi il vieillit. De même que l’enfant change et devient de plus en plus dissemblable à ce qu’il était d’abord, jusqu’à ce que la mort termine son existence, ainsi le ciel a eu son enfance, sa jeunesse et arrivera par la vieillesse à sa fin, comme l’homme à la mort. » Les formes successives que revêt la vie du monde ne s’expliquent que par l’unité de l’organisme universel ; aucune n’a sa raison d’être en elle-même et ne s’entend que par son rapport au tout. Aussi le philosophe est-il celui qui sait voir et comprendre toutes choses dans l’unité. « Malgré la diversité des noms, il n’y a qu’un art, qu’une science, puisque le tout est un même être. » Paracelse n’en maintient pas moins l’indépendance essentielle des individus. L’homme est le couronnement de la création : en lui, comme dans une sorte de microcosme, sont rassemblés tous les éléments, toutes les forces qui agissent dans l’univers. Le monde est comme le père ; l’homme, le fils : et le fils doit ressembler à son père. « Si l’homme n’était pas fait des mêmes matériaux que le monde…, il ne pourrait s’approprier ce qui est dans ce grand monde. Comme il est fait de la même substance que lui, il peut transformer en son propre corps tous les aliments qu’il lui emprunte… Ainsi le corps de l’homme s’approprie le corps du monde, comme un fils fait le sang de son père : car ils ne sont l’un et l’autre qu’un même sang et un même corps, et l’âme seule les distingue, bien que leur savoir soit identique. » Aussi il ne faut pas expliquer le monde par l’homme, mais bien l’homme parle monde. « Toutes les choses créées sont comme les lettres et les livres, qui nous racontent la généalogie de l’homme. »

C’est surtout par l’étude des animaux que l’homme arrivera à se connaître : les animaux sont véritablement les ancêtres de l’homme,