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périodiques. — Philosophische Monatshefte.

qui réunit en lui la multiplicité des traits par lesquels les espèces se diversifient, et mériterait ainsi d’être appelé l’animal universel ou plutôt collectif. Mais l’homme est plus qu’un simple animal : il est aussi fait à l’image de Dieu. « Il est la nature ; mais il est aussi un esprit ; il est aussi un ange. » Convaincu de la vérité de révolution, Paracelse rejette le culte exclusif de l’antiquité, mais sait en comprendre le rôle et voir dans le passé la préparation du présent. De même que le temps est nécessaire au développement des œuvres de la nature et de Dieu et les fait passer par d’incessantes transformations, ainsi les croyances et les institutions des hommes se modifient d’âge en âge. « Est-ce que les lois du mariage pourraient demeurer les mêmes, si le rapport numérique des sexes venait à changer ? » Au travers et à l’aide même de ces changements continuels, le progrès se réalise dans le monde. « On doit croire que les hommes croîtront en savoir, en pénétration, en sagesse, en raison, à mesure que le monde approchera de sa fin. » Mais à la loi universelle de l’évolution sont soustraites les vérités divines, celles de la foi comme celles de la moralité.

J. Bergmann’s reine Logik (Berlin, Mittler, 1879 ; 1re partie, Logique générale). La diversité des théories auxquelles la logique a donné naissance en Allemagne dans les dix dernières années indique assez que cette science est dans une période de transformation. Le livre de Bergmann ne sépare pas la logique de la métaphysique, la science des formes de la pensée de la science des formes de l’être.

La logique formelle est aussi une logique matérielle : car tout concept qui répond aux exigences de la logique a sa vérité matérielle. Dans toute pensée, il faut distinguer trois éléments : la synthèse primitive de l’intuition qui rassemble une pluralité d’impressions dans l’unité d’une chose et réunit cette unité avec le moi et les autres choses dans l’unité supérieure du monde ; puis l’analyse mentale des éléments contenus dans la représentation que l’esprit s’est ainsi formée ; enfin la critique à laquelle le jugement soumet cette représentation pour en déterminer la valeur. La pensée produit son objet. « Le moi n’est pas donné ; il est produit par l’intuition, qui ramène de nombreux états à la forme du moi… L’existence du moi est un fait qui n’a pas besoin de preuve : c’est par l’action du moi lui-même que son existence devient un fait… Etre réel, c’est être l’objet d’une intuition. Or le moi seul peut être connu par intuition ; lui seul a donc la réalité. Ce qui n’est pas en soi n’est pas réel, n’est pas une chose… S’il n’y avait pas de moi, il n’y aurait pas d’être… L’existence des autres est pour moi un objet de pure croyance ; il n’y aurait aucune contradiction à supposer que je suis seul au monde. » L’audace de cet idéalisme subjectif, qui rappelle Leibniz, Berkeley et Fichte, qui n’admet d’autre réalité que celle d’êtres semblables au moi et conçoit le monde comme le moi absolu, nous permet d’apprécier le caractère original et aussi les difficultés de la tentative poursuivie par la logique de Bergmann.