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avait produit des résultats que Descartes, malgré son dédain de l’antiquité, ne laisse pas parfois d’admirer[1].

L’algèbre, au temps où Descartes étudiait, était de même une science et une méthode. Comme science, c’était une branche de la science des nombres ; comme méthode, c’était l’analyse des anciens étendue au traitement des quantités, et simplifiée, dans la géométrie, à l’aide de signes abstraits substitués à l’intuition des grandeurs concrètes[2]. Nous aurons à noter bientôt l’imperfection de cette algèbre rudimentaire ; elle n’en constituait pas moins déjà un puissant moyen d’analyse, et, en la solution de ses questions, elle était elle-même une application de cette méthode qui ramène les théorèmes et les problèmes les plus composés à de plus simples dont ils dépendent, comme la conséquence du principe.

Dans l’analyse géométrique et dans l’analyse algébrique se retrouvent les premiers linéaments de la méthode cartésienne ; mais, pour les en dégager, Descartes n’a-t-il eu qu’à en briser l’enveloppe ? Il ne fait aucune difficulté d’avouer les origines mathématiques de sa méthode[3] ; mais il a pris soin d’en marquer lui-même l’originalité. Ce qui la distingue de l’analyse ancienne et de l’algèbre, c’est l’étendue et la généralité. La méthode cartésienne n’est pas confinée dans un ordre particulier de recherches ; elle s’étend à toutes les sciences. L’analyse des anciens, au contraire, est une discipline bornée aux seules questions de géométrie ; de plus, « astreinte à la considération des figures, elle ne peut exercer l’entendement sans fatiguer beaucoup l’imagination[4]. » L’algèbre, bien que d’une application moins restreinte, puisque déjà Viète l’avait liée à la géométrie, ne dépassait pas cependant le domaine des nombres ; elle n’avait même pas, en mathématiques, cette généralité qu’elle devait bientôt recevoir de Descartes, et puis on l’avait tellement « assujettie à certaines règles, à certains chiffres, qu’on en avait fait un art confus et obscur, plus propre à embarrasser l’esprit qu’à le cultiver[5]. »

Voyons maintenant quelle extension inattendue Descartes a donnée à ces procédés de méthode, dont avant lui l’empire comprenait à peine les différentes provinces des mathématiques.

Ce n’est pas seulement dans le Discours placé par lui comme in-

  1. Regul, Reg. 4.
  2. Cf. Descartes, Regul, Reg. 4 : « Et ne voyons-nous pas fleurir une certaine espèce d’arithmétique, l’algèbre, qui a pour but d’opérer sur les nombres ce que les anciens opéraient sur les figures. »
  3. Méth., 2e p. ; Regul., Reg. 4.
  4. Méth., 2e p.
  5. Méth., 2e p.