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l. liard. — méthode et mathématique de descartes.

troduction à ses traités de la Dioptrique, des Météores et de la Géométrie, qu’il faut chercher la méthode de Descartes, c’est dans tous ses écrits, et en particulier dans cet ouvrage posthume, intitulé Regulæ ad directionem ingenii, où son empreinte est si fortement marquée. Sans doute les règles du Discours énoncent les prescriptions maîtresses de la méthode : n’admettre pour vrai que ce qui est évident, c’est-à-dire éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et ne rien comprendre de plus en ses jugements que ce qui apparaît si clairement et si distinctement qu’on n’ait aucune raison de le mettre en doute ; diviser chacune des difficultés qui se présentent en autant de parties qu’il se peut et qu’il est requis pour les mieux résoudre ; conduire par ordre ses pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus faciles à connaître, pour s’élever peu à peu, comme par degrés, jusqu’à la connaissance des plus composés ; faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales, que l’on soit assuré de n’avoir omis rien. — Mais que de questions soulevées par l’obscure simplicité de ces formules ! Qu’est-ce que la clarté et la distinction ? Comment les discerner ? Quelles sont les choses claires et distinctes ? D’où tirent-elles la force de résister aux plus puissantes raisons de douter ? Pourquoi la division éclaircit-elle l’obscurité des questions composées ? Où doit-elle tendre ? Où doit-elle s’arrêter ? Pourquoi, d’autre part, dans l’enchaînement des questions, aller du simple au composé ? Quels liens rattachent les problèmes les plus complexes aux questions les plus aisées à connaître ? De ces brefs énoncés ne se dégagent nettement ni l’unité de la méthode, ni la pensée qui en est l’âme. On dirait que Descartes les propose à son lecteur moins comme un enseignement que comme une énigme.

Cette énigme, il faut en chercher le sens dans l’œuvre entier de Descartes. La philosophie cartésienne est en effet tout à la fois le produit, le commentaire et la justification de la méthode. De ce point de vue, la méthode et la philosophie s’éclairent l’une par l’autre.

En premier lieu, la science est une. « Toutes les sciences réunies ne sont rien autre chose que l’intelligence humaine, toujours une, toujours la même, si variés que soient les sujets auxquels elle s’applique. » Aussi les sciences diverses sont-elles les parties coordonnées d’un même système, « tellement liées ensemble qu’il est plus aisé de les apprendre toutes que d’en apprendre une seule en la détachant des autres[1]. » Par suite, la méthode est universelle.

  1. Regul., Reg. 1.