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des natures simples, c’est-à-dire de la nature des corps en général ; de là il déduit celle des exhalaisons et des vapeurs, et, par une composition croissante, celle des vents, de la pluie, de la neige ; puis, composant ces propriétés et celles de la lumière, il explique les apparences lumineuses que parfois nous voyons donc le ciel. C’est partout et toujours la même procédure. L’analyse réduit les phénomènes aux natures simples dont ils dépendent, et la synthèse fait voir en quel ordre ils en dépendent et en dérivent.

La méthode suppose donc, on le voit, deux procédés distincts et cependant collatéraux de connaissance : l’intuition et le raisonnement. L’intuition est en définitive l’unique source du savoir certain ; c’est la vue immédiate de la vérité, embrassant et comprenant, sans incertitude et sans obscurité, une notion, une proposition tout entière[1]. Le raisonnement n’est autre chose qu’une intuition continuée. Raisonner, n’est-ce pas en effet ramener d’abord, par un mouvement ininterrompu de la pensée, les propositions embarrassées et complexes à des propositions simples et d’un accès facile, puis revenir, en parcourant les mêmes stades en un ordre inverse, des propositions les plus simples, réfractaires à une décomposition plus élémentaire, aux propositions les plus complexes [2] ? L’intuition est donc à la fois le terme et le point de départ du raisonnement, et l’office de la déduction est de l’étendre progressivement des choses les plus simples aux choses les plus composées, qui d’abord y paraissaient rebelles. Suivons en effet pas à pas un raisonnement. Le point de départ est une proposition intuitivement connue ; vient ensuite une proposition qui sort de la première et s’y relie, et participe par conséquent à sa certitude ; ainsi des autres jusqu’à la conclusion. Ce qui fait la différence entre l’intuition médiate de la conclusion et l’intuition immédiate des principes, c’est l’intervention de la mémoire. À chaque degré du raisonnement, il faut se rappeler l’évidence des degrés antérieurs. Conclure n’est en définitive que se souvenir d’avoir vu.

Ainsi les propositions les plus éloignées en apparence les unes des autres se relient en un seul et unique système. La méthode a pour but, en dernière analyse, de former des rapports complexes à l’aide de rapports simples, comme la numération construit les nombres les plus grands avec l’unité répétée. Cependant, dans la composition des choses, il faut soigneusement distinguer les rapports nécessaires des rapports contingents. Les choses sont nécessaires, quand elles

  1. Regul., Reg. 11.
  2. Regul., Reg. 11.