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g. compayré. — la folie chez l’enfant

l’impulsion et l’acte et arrête l’agent au moment où il allait obéir à l’entraînement aveugle de l’instinct. Eh bien, précisément l’enfant, par la pauvreté de ses souvenirs et le dénuement de son intelligence, comme par l’inertie de sa volonté, l’enfant se trouve à ces deux points de vue dans la situation la plus favorable au développement de la folie. Les idées folles, si elles ont une fois pénétré dans sa conscience, n’y rencontrent aucun obstacle : sa mémoire est trop faible, trop dégarnie d’expériences, pour résister à la conception fausse que suggère l’hallucination. De même les impulsions morbides, transmises par l’hérédité, et qu’une volonté adulte parviendrait peut-être à maîtriser, sont irrésistibles chez l’enfant ; sa volonté vacillante n’oppose aucune barrière aux mauvais instincts. La folie, quand elle menace l’homme mûr, a d’abord à triompher d’une intelligence éprouvée, depuis longtemps assise dans ses croyances, de sorte que l’hallucination même peut coexister avec la raison ; il lui faut en outre vaincre cette énergie volontaire que l’âge a fortifiée, et devant laquelle s’arrêtent à chaque instant les suggestions irréfléchies de la passion, les désirs bizarres et capricieux qui sollicitent même l’esprit le plus sain. Mais, quand par malheur la folie s’abat sur l’enfant, elle est d’emblée maîtresse de la place, et c’est dans un terrain ouvert, sans défense, qu’elle exerce impunément ses ravages.

Il n’est donc plus permis de contester la possibilité de la folie chez les enfants. Mais, cette vérité générale une fois établie, il importe d’entrer dans le détail, de chercher sous quelles formes se présentent dans ces âmes mal équilibrées et en voie de formation les phénomènes de l’aliénation mentale, de suivre enfin l’évolution parallèle des facultés et des maladies qui les frappent.


Il


C’est par l’activité musculaire que se manifeste d’abord la vie mentale de l’enfant. Dès les premiers jours de son existence, l’enfant pourrait être défini un être qui se meut. Ses mouvements sont spontanés, automatiques, ou réflexes, provoqués par des énergies internes, ou sollicités par les excitations du dehors. La volonté ne les gouverne pas encore ; mais, jusque dans cette mobilité presque inconsciente de l’enfant, il y a, quand aucune influence morbide n’agit, un ordre naturel, parfois une grâce involontaire et non cherchée. Que la maladie intervienne, et à la place