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de ces mouvements réguliers, rhythmés, apparaîtra une mobilité absolument désordonnée, folle, des accès d’agitation terrible, enfin ce fléau de l’enfance qu’on appelle les convulsions.

Les convulsions ne sauraient être considérées comme une simple maladie physique : elles constituent par certains côtés une véritable maladie mentale. La preuve, c’est l’action qu’elles exercent souvent sur le développement futur de l’intelligence : elles ne laissent pas seulement à l’enfant qu’elles ont violemment atteint des infirmités corporelles ; elles ne se contentent pas de disloquer les membres, de faire grimacer le visage ; il arrive aussi qu’elles atteignent l’intelligence, qu’elles rendent le petit patient idiot pour la vie : « Nous voyons bien souvent l’idiotie succéder aux convulsions de la première enfance[1]. » La preuve encore, ce sont les troubles intellectuels qui les accompagnent quand elles se produisent chez des enfants déjà grands : la perte complète de la connaissance, une sorte de stupeur en est alors l’effet immédiat. D’ailleurs en elles-mêmes, puisqu’elles sont un dérèglement de l’activité musculaire, les convulsions rentrent dans le domaine de la psychologie. On peut dire qu’elles sont un délire des muscles, de même que le délire sera une convulsion de l’esprit.

À l’âge où l’intelligence n’est pas encore éveillée, les convulsions sont la seule forme possible de la folie. Tandis que chez l’adulte elles se trouveront compliquées par tous les désordres de l’aliénation mentale, par le trouble de toutes les facilités, chez l’enfant elles se produisent pour ainsi dire à l’état d’isolement. La situation morbide qu’elles trahissent ne peut s’étendre alors qu’à la seule faculté qui soit développée, la faculté de se mouvoir. Remarquons d’ailleurs que les convulsions reproduisent extérieurement les apparences et comme le masque de la folie. Rien ne ressemble plus au maniaque qui se tord dans une agitation insensée, à la pythonisse qui se démène, au possédé dont le diable contracte les membres et qui gesticule à tort et à travers, que le petit enfant qui subit l’étreinte d’un accès convulsif. Chez les animaux, les affections mentales se manifestent aussi par des convulsions ou des accidents qui s’en rapprochent. Les pêcheurs du Volga connaissent une espèce de poissons qu’ils regardent comme susceptible de folie, parce que ces poissons nagent impétueusement en cercle. L’éléphant, d’habitude si calme et si doux, est parfois saisi d’une sorte de frénésie qui le plonge dans une agitation furieuse ; il se jette violemment sur tout ce qu’il rencontre, hommes, animaux, choses, et détruit tous les objets qui sont à sa portée. Dans tous ces

  1. Trousseau, Clinique médicale, 1868, t. II, p. 181.