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h. spencer. — de l’organisation politique en général.

état de choses ressemble, mais en pire, à celui des clans des montagnes de l’Écosse, avec leurs réduits fortifiés où ils mettaient leurs femmes et leur bétail à l’abri des incursions de leurs voisins, à l’époque où ils n’étaient point soumis à un pouvoir central. Les Grecs de l’antiquité sentirent les bienfaits d’une autorité supérieure, que ce fût celle d’un chef simple ou d’un chef composé ; en effet, c’est au conseil des Amphictyons qu’est due la loi qui défendait « à une tribu hellénique de raser les habitations d’une autre tribu, et de couper l’eau à aucune cité hellénique durant un siège ». Le bien résultant du progrès de la structure politique, qui consiste dans l’union de petites sociétés pour en former de plus grandes, s’est réalisé dans la Grande-Bretagne lorsque la conquête romaine eut mis fin aux luttes incessantes des tribus ; et une fois encore, à une data plus récente, lorsque les barons féodaux, devenus sujets d’un monarque, se virent interdire les guerres privées. Nous voyons la même chose, mais sous une forme renversée dans l’anarchie qui suivit la chute de l’empire carlovinden : les princes et les barons reprirent leur indépendance et se traitèrent les uns les autres en ennemis ; état politique dont on pouvait dire que, « lorsque les seigneurs féodaux ne se faisaient pas la guerre, ils vivaient ouvertement de pillage. » Enfin l’histoire de l’Europe a, à plusieurs reprises, en divers temps et en divers lieux, fourni des exemples analogues.

Si d’une part l’organisation politique, à mesure qu’elle s’étend dans des masses de volume croissant, favorise directement la prospérité sociale, en écartant les obstacles que l’antagonisme des individus et des tribus oppose à la coopération, d’autre part elle la favorise aussi d’une autre manière. Dans un petit groupe social, il ne saurait se produire rien de plus qu’une division rudimentaire du travail. Avant que les genres de production puissent se mutiplier, il faut que les genres de producteurs se multiplient ; et, avant que l’on puisse obtenir un produit par la voie la plus économique, il faut que les différentes phases de la production soient réparties entre des mains spéciales. Ce n’est pas tout encore. Ni les combinaisons complexes obligées d’individus, ni l’outillage mécanique savant qui facilite la production, ne sauraient exister faute d’une grande société qui engendre une grande demande.

Mais quoique les avantages, qui sont le prix de la coopération, supposent l’existence préalable d’une organisation politique, cette organisation entraine nécessairement des désavantages : il est même très possible que les dommages l’emportent sur les profits. Il faut conserver les appareils de gouvernement et supporter les freins qu’ils imposent ; enfin, il est possible que les maux résultant des