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h. spencer. — de l’organisation politique en général.

sible. Dans la mesure où les organes publics occupent une plus large place dans l’expérience quotidienne, n’en laissant qu’une petite aux autres, on est bien plus porté à penser que leur autorité est partout nécessaire, et bien moins capable de concevoir comment les actions sociales pourraient être dirigées autrement. En même temps, les sentiments, façonnés ou ajustés par l’habitude du mécanisme régulatif, deviennent ses auxiliaires et combattent l’idée du vide que laisserait leur absence. Bref, la loi générale d’après laquelle l’organisme social et ses unités agissent et réagissent de manière à s’accorder, suppose que toute extension nouvelle de l’organisation politique augmente les obstacles qui s’opposent à la réorganisation, non seulement en accroissant la force de la portion régulative et en diminuant la force de la portion régie, mais aussi en produisant dans les citoyens des idées et des sentiments en harmonie avec la structure sociale qui résulte de ce développement, et en désaccord avec tout état de choses qui en diffère entièrement. C’est une vérité dont la France et l’Allemagne nous fournissent des exemples. Auguste Comte, s’occupant à préfigurer un état industriel, était tellement dominé par les idées et les sentiments appropriés au régime social de la France, que le plan d’organisation qu’il assigne à l’état industriel en prescrit les arrangements avec une précision et des détails propres au type militaire et tout à fait en désaccord avec le type industriel. Il avouait même une aversion profonde pour l’individualisme, ce produit de la vie industrielle qui donne aux institutions industrielles leur caractère. De même aussi, en Allemagne, les socialistes, à qui l’on prête le désir et qui se croient la mission de réorganiser entièrement la société, sont incapables à ce point de rejeter la conception du type social dans lequel ils sont nés et ils ont été nourris, qu’ils préconisent un système social qui n’est au fond qu’une forme nouvelle de celui qu’ils voudraient détruire. C’est un système dans lequel la vie et le travail sont arrangés et réglés par des autorités publiques, omniprésentes comme celles qui existent déjà, et non moins coercitives : l’individu y a sa vie encore plus réglée qu’aujourd’hui.

Si donc, d’une part, en l’absence d’arrangements réglés, il ne saurait y avoir de coopération, la coopération d’un genre supérieur se trouve empêchée par des arrangements qui facilitent celle d’un genre inférieur. Bien que, faute de certaines relations établies entre les parties, les actions combinées ne soient pas possibles, plus ces relations deviennent étendues et complexes, plus il devient difficile de réaliser une amélioration dans la combinaison des actions. Il s’opère un décroissement des forces tendant à fixer et une diminution des forces