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subir plus qu’un autre l’influence de cet universel génie. Il s’est intéressé surtout à ce Faust, qui fut le travail de toute la vie du poète et il lui a consacré plus d’un de ses propres écrits, soit qu’il essayât de s’en faire en quelque sorte le continuateur ou qu’il cherchât à en expliquer le sens, qui si souvent se dérobe au lecteur. Ne dirait-on pas que ces considérations sur les églises de Magdebourg ne sont que le pendant de celles de Gœthe, dans ses Mémoires, sur la cathédrale de Strasbourg et sur l’art gothique ?

Un oncle maternel, le peintre Gruson (encore un nom français, comme celui du cousin Favreau), fit naître et développa en lui le goût pour les œuvres de peinture.

La première jeunesse de Rosenkranz s’était passée dans un faubourg de Magdebourg, la Ville-Neuve : de là ce vagabondage des enfants de la campagne que nous avons déjà signalé. Mais quand le siège devint imminent, il fallut évacuer la vieille maison paternelle.

Les études sérieuses du jeune homme ne commencèrent que quand son père l’eut enfin placé au pedagogium du couvent Notre-Dame. Non seulement il y trouva d’excellents maîtres, mais il y reçut aussi des leçons d’économie domestique qui lui ont servi toute sa vie ; on avait en effet organisé dans cette école une association où l’on était initié, par des opérations, fictives il est vrai, à tout ce que doit savoir et faire un propriétaire ou un gérant de maison.

Une des délicieuses scènes de ces premiers chapitres, c’est celle où Rosenkranz retrace une certaine solennité où le recteur de l’école prononça un discours latin, en présence du gouverneur de la ville, le comte de Hake. Celui-ci, qui n’entendait pas un traître mot de latin, toutes les fois que l’orateur venait à prononcer un hâc, se levait et s’inclinait comme pour le remercier d’une attention si délicate. Afin de prévenir un éclat de rire homérique dans toute la salle, il fallut que l’un des voisins du brave comte l’instruisit discrètement de son erreur.

Les descriptions de voyages de vacances ont un charme particulier dans son livre. Le premier fut un voyage pédestre dans le Harz, et de là à Gœttingue, pour voir par lui-même cette ville, dont deux de ses anciens condisciples du pedagogium, actuellement étudiants à l’université, lui écrivaient des merveilles. Plus tard, sans doute encore sous l’inspiration du Voyage au Harz en hiver de Goethe, il voulut lui aussi voir le même paysage sous son enveloppe de glace et de neige, et il prit, dans cette saison, un bain forcé dans la Bode, d’où ses deux compagnons eurent assez de peine à le retirer. Plus d’un de ces voyages est assaisonné des scènes les plus humoristiques. Ces fraîches et gaies descriptions viennent à propos reposer l’esprit du lecteur, au sortir des controverses théologiques, philosophiques. Toutefois celles-ci n’étant jamais qu’effleurées et nullement traitées ex professo, on ne sent nulle part la fatigue des discussions purement abstraites. Ce n’est pas un livre d’exposition dogmatique. C’est un tableau vivant où tous les grands hommes que l’auteur a connus ont leur place. Et combien ils