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analyses. — rosenkranz. Von Magdeburg bis Königsberg.

sont nombreux, à commencer par le plus illustre de tous, par le maître, par Hegel enfin, autour duquel se groupe sa nombreuse école, les Daub, les Hinrichs, les Marheineke, les Hotho. Lors de son premier séjour à Berlin, où il commença ses études universitaires, il eut une grande déception avec Hegel. Il entendait dire partout qu’on ne pouvait le comprendre ou du moins que très difficilement. Mais on lui disait qu’un jeune professeur, Léopold de Henning, possédait le don de le rendre accessible aux commençants. Il fut en effet très content de son enseignement ; peut-être fut-il alors allé écouter le maître lui-même, si Schleiermacher ne l’eût absorbé entièrement. Il se borna à assister à quelques leçons de Hegel, sans se faire inscrire (er hospitirte). Quelle différence avec celles de Schleiermacher ! Ses périodes pénibles et traînantes, il les interrompait sans cesse en toussant et en prisant. Il parlait une langue « qui était lettre close pour un simple mortel comme moi. J’admirais les étudiants qui, silencieux, comme si un sphinx ouvrait sa bouche mystérieuse, étaient assis à ses pieds et devaient comprendre ce qu’il disait, puisqu’ils pouvaient noter par écrit ces leçons, où il me sembla remarquer surtout que le professeur se répétait souvent. » Ce fut un disciple de Schelling, Steffens, qui exerça sur lui un attrait autrement puissant par son éloquence entraînante. Le Norvégien Steffens était professeur à Breslau ; une fois, au retour des vacances, il se trouva en retard pour ouvrir ses cours dans cette ville, resta à Berlin, où il lit des leçons à l’université et le soir, dans la salle du gouvernement, pour l’aristocratie berlinoise. « Ce fut là un événement que je ne pus comparer que plus tard aux leçons d’Alexandre de Humboldt sur le Cosmos. » Il devait développer la philosophie de la nature ; c’étaient des chapitres choisis de son Anthropologie. La salle était comble, la plupart des auditeurs debout. « Je n’ai jamais entendu chose pareille, et pourtant j’ai eu d’excellents maîtres. » Des professeurs, ses adversaires, étaient présents, et il les prenait souvent à partie. Comme il improvisait, tout revêtait une forme particulière qui certainement dut souvent le surprendre lui-même. Quelquefois, il se perdait dans des visions. Un jour, il avait parlé de l’ouïe et de son immense importance, expression qu’il répétait souvent. L’heure avait sonné ; déjà se faisait dans la salle le mouvement qui précède d’ordinaire la fin d’un cours. Steffens lui-même prit son chapeau et continuait à parler ; il mit son chapeau et continuait toujours. Évidemment tout le monde était sous le charme ; mais on ne comprend guère qu’il fit consister cette immense importance de l’oreille (die unendliche Bedeutung des Ohrs) dans ce fait qu’au jour du jugement dernier nous entendrions dans les tombes les éclats de la trompette. Quant à Hegel, le jeune étudiant finit par renoncer entièrement à l’entendre ; il ne dut trouver qu’à Halle un initiateur au système du grand philosophe.

Il y avait au fond de sa nature un germe de mysticisme et d’exaltation religieuse qui se manifesta à diverses reprises et en fit pour longtemps un partisan dévoué de l’école romantique, alors dans tout son éclat.