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Enfant, il avait été tourmenté par la peur du diable ; il s’était imposé tous les dimanches un méticuleux examen de conscience, qu’il finit par traiter plus tard de pédantisme philistin.

Encore au pedagogium, il avait été en relation avec un jeune poète, un enfant de Magdebourg, cetle ville si prosaïque d’ordinaire, avec Immermann, lui-même un romantique. Son admiration pour les cathédrales du moyen âge n’avait pas une autre source. Il consacra au romantisme plus d’un livre, à commencer par une histoire du mysticisme ; puis vint une thèse de doctorat qu’il fit pour un autre sur la Renaissance, mot qui lui semblait impropre, car il était loin d’admettre que le moyen âge ne fut que la barbarie, et dans son travail il s’était ingénié à venger cette époque de ce reproche. Ses études sur Jacques Böhme et sur le Mage opérant des miracles de Calderon rentrent dans le même ordre d’idées. Il est forcé de convenir pour plus d’une des productions qu’exaltait cette école, par exemple pour le Titurel, pour lequel il s’était épris d’une belle passion, qu’on avait dû l’admirer de confiance, sans l’avoir lu. Après avoir consacré pas mal de temps à cette étude, il ne put y voir qu’un poème ennuyeux. Dans un de ses voyages, il se rencontra avec le chef de l’école romantique, A. -G. Sohlegel. Enfin, plus tard, il fut admis à Berlin, dans la maison même de Tieck. « J’ai passé, dit-il quelque part, par toutes les phases de cette maladie. » Il lui fallut bien des années pour se soustraire de nouveau à cette influence. Il semble que les trois volumes qu’il consacra à l’histoire de la poésie furent son dernier effort pour sortir du cercle magique où il avait été si longtemps retenu captif et lui rendirent le même service que Gœthe retira de la composition de son Werther.

En réalité, il était venu à Berlin pour se préparer à passer son examen de théologie ; mais, ainsi que nous venons déjà de le voir par ses excursions dans le vieux pays romantique, comme dirait Wieland, il fut bien loin de se vouer à cette étude d’une manière exclusive, quoiqu’il s’en occupât assez sérieusement pour voir sa conscience de chrétien alarmée par moments au milieu des controverses des divers exégètes des livres saints. Nous l’avons déjà dit, il fut fasciné par Schleiermacher, surtout dans son Cours de morale et d’esthétique. Il ne le fut pas moins par la lecture de quelques-uns de ses écrits, de ses Monologues, par exemple. Il commença à avoir de terribles scrupules et se demanda s’il était réellement chrétien. Une sorte de mélancolie rêveuse, piétiste, s’empara de lui et il pria instamment son père de pouvoir aller continuer ses études à Halle. Il resta quelques jours à Magdebourg. Comme il avait un parent pasteur dans une petite ville voisine, il voulut voir comment il se tirerait de la prédication. Il obtint de prêcher le dimanche après Pâques. Dans un sermon appris par cœur et qu’il avait répété la veille en chaire, tout seul dans l’église, il parla avec éloquence du bonheur de la foi. « Ce fut la première et la dernière fois, dit-il, que j’appris un discours par cœur ; dorénavant, ou j’improvisais, après mûre préparation, ou je lisais mes leçons. » Tout ce récit,