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« D’un autre côté, si nous considérons un animal, nous voyons qu’il est entièrement organisé pour manger de la chair. Il en est de même des animaux herbivores par rapport aux plantes et des plantes par rapport aux matières élémentaires. Le loup ne naît pas de la brebis ; mais, sans supposer l’existence d’animaux à sang chaud, les extrémités, la denture, les intestins des animaux carnivores sont inexplicables. Je ne pouvais donc admettre qu’on voulût exclure la téléologie de la science naturelle (comme le voulait Fries), surtout quand je considérais un organisme en lui-même. Ici, l’action réciproque des organes me sembla tellement déterminée par la fin, que, dans l’extrait que je fis de Fries, je trouve partout marquées de points d’interrogation les affirmations en sens contraire. D’après lui, l’idée de la finalité ne devait revenir qu’au point de vue esthétique ; elle devait, comme il s’exprimait, déterminer la valeur des choses. »

Évidemment, notre philosophe n’a pas dit son dernier mot sur cette difficile question dans ces courtes citations, puisque Kant, dans l’édition même de Rosenkranz, consacre plus de cent pages au jugement téléologique. D’ailleurs, nous le répétons, ce sont plutôt les idées de Fries que les siennes propres qu’il expose ; il devait apprendre seulement plus tard le peu de cas que Hegel et Herbart faisaient de ce philosophe.

On a souvent plaisanté sur les causes finales ; on a dit, par exemple, que le nez de l’homme est fait pour porter des limettes. Le commensal de Rosenkranz à Heidelberg, Wippermann, que nous connaissons déjà, se chargeait de soumettre quelquefois son ami à un interrogatoire comique sur cette question et sur la question non moins difficile de la Providence.

Ne nous séparons pas de notre auteur sans donner quelques-uns de ses jugements sur certains écrivains célèbres, Ayant retranché dans notre travail telle situation qui amenait ces appréciations, nous finissons par cette courte revue rétrospective : car les jugements d’un pareil critique ont une valeur qu’on ne saurait méconnaître.

Un des auteurs de prédilection du père de Rosenkranz, c’était Jean-Paul. Un de ses camarades à l’université de Berlin, l’israélite Beifuss, était lui aussi enthousiaste du célèbre romancier et l’engagea à entreprendre la lecture de Titan. Souvent Rosenkranz allait chercher la solitude dans l’île de Rousseau au Thiergarten, pour se livrer à cette lecture, qui le captiva dès l’abord. Nous voyons que souvent aussi à Halle l’Esthétique de Jean-Paul était l’objet de ses entretiens avec Genthe, un de ses amis et son futur beau-frère. À l’époque de son exaltation religieuse, il avait trouvé dans un des personnages du Titan, dans Roquairol, un caractère et une situation fort analogues aux siens. Nous avouerons qui si plus d’une fois nous avons eu de la peine à suivre Richter dans ses grandes compositions, nous le regardons à d’autres égards comme un des écrivains les plus remar-