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analyses. — rosenkranz. Von Magdeburg bis Königsberg.

quables de l’Allemagne, un de ses penseurs les plus originaux, avec l’âme d’un vrai poète. Nous sommes tout à fait de l’avis de Karl Grün[1], qui le recommande à l’étude de ses compatriotes presque à l’égal de Schiller et de Gœthe, et nous croyons que Henri Heine, comme cela lui arrive souvent, l’a appelé un peu trop légèrement le confus compilateur de Bayreuth (der confuse Polyhistor von Bayreuth).

Citons enfin son jugement sur un de ses poètes favoris, sur Byron. Quand Hinrichs, malade, ne pouvait l’accompagner au plateau qui couronne le vignoble de Beuchlitz, à ce berceau où, en buvant du café ou de la bière, ils menaient la vie des dieux de l’Olympe, planant en vrais enthousiastes platoniques dans l’éther des idées, il emportait un volume de lord Byron. « Je l’avais négligé depuis 1824. Après Homère et Shakespeare, après Gœthe et Schiller, nul poète ne s’est emparé de mon âme comme Byron. Avec une vue infiniment riche et concrète de la nature et de la vie des hommes, il a une profondeur métaphysique incomparable qui fouille tous les mystères de notre existence. »

À propos de Dante, dont il s’est occupé à plus d’une reprise, Rosenkranz dit que les descriptions de la Divine Comédie n’ont pas peu contribué à ébranler sa croyance à une autre vie. Mais toutes ces peintures, à commencer par celle d’Homère, ne prouvent qu’une chose : c’est que l’homme ne peut se résoudre à mourir tout entier ; il continue au delà de la tombe sa vie terrestre, comme il fait Dieu à son image.

Il est temps de clore cette étude : nous ne pourrions dire tout ce que contient ce volume, de près de cinq cents pages. L’auteur est un des écrivains les plus féconds de l’Allemagne. Dans sa jeunesse, il a fait des poésies, un roman, des tragédies ; il a écrit dans nombre de revues ; il a été le biographe de Hegel ; en collaboration avec Schubert, il a publié une édition des œuvres de Kant. Il s’est beaucoup occupé de la vieille littérature allemande et, à son début comme professeur, a fait un cours sur les Nibelungen à côté de son cours de philosophie. Il a rédigé une Encyclopédie des sciences théologiques si bien que le célèbre auteur de la Frithjof Saga, l’évêque suédois Tegner, lui faisant un jour une visite à Kœnigsberg et ne pouvant croire que le même homme eût mis la main à tant d’œuvres différentes, lui demanda s’il était parent du théologien Rosenkranz. J’allais oublier une Logique. Il est mort à soixante-quinze ans passés, et sa féconde carrière s’est

  1. Karl Grün, Frédéric Schiller comme homme, historien, penseur et poète, Leipzig, Brockhaus, 1844, p. 775 : « Sur leurs épaules (celles de Gœthe et Schiller) et sur celles d’un troisième héros, bien souvent méconnu, incompris, qui ne se connaît pas lui-même et ne sait pas se modérer dans le vertige de sa divine ivresse, sur celle de Jean-Paul, repose toute la littérature moderne. »