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le comté de Glocester, avaient remarqué que le cow-pox préservait de la variole. Donc, non seulement on ne peut considérer le progrès des sciences comme une succession ininterrompue de découvertes unies entre elles et si j’ose dire, fonctions les unes des autres, mais encore il n’y a pas que le génie seul qui ait le privilège de découvrir. L’ignorant, lui aussi, peut avoir ses intuitions et ces intuitions se produisent ex abrupto sans qu’on puisse leur trouver une cause assignable. Claude Bernard l’a dit en propres termes. « Il est des faits qui ne disent rien à l’esprit du plus grand nombre, tandis qu’ils sont lumineux pour d’autres. » Et M. Netter ajoute[1] : « La part du hasard est uniquement dans la rencontre des faits ; mais ceux-ci ne se révèlent avec leurs rapports qu’à des intelligences prédisposées. Prédisposées à quoi ? Aux idées intuitives. Cette aptitude aux idées intuitives serait, selon notre auteur, indépendante du génie, d’une part, et, de l’autre, du degré d’instruction ou de culture.

Etant donné qu’il existe en certains hommes une faculté dite d’intuition dont lès effets se font sentir à intervalles et toujours sans préparation, ni préméditation, comment oser soutenir que partout et toujours l’évolution est la règle ? Là où l’antécédent ne contient pas la raison tout à la fois nécessaire et suffisante du conséquent, n’est-on pas bon gré mal gré obligé de croire qu’il y a des sauts dans la nature et que la loi de continuité souffre parfois de graves exceptions ?

C’est l’opinion du docteur Netter, et nous ne chercherons pas à en essayer l’examen. Nous ne discuterons pas non plus ses théories psychologiques ou métaphysiques ; elles sont d un homme qui aime à méditer sur les choses éternelles, mais qui ne songe nullement à se construire une doctrine. Nous pensons dès lors qu’il y aurait mauvaise grâce et peut-être aussi mauvais goût à relever les incorrections du langage et les incohérences de la pensée. L’important est tout entier dans les cinquante premières pages : il y a là des faits historiques et qui ont leur valeur.

Lionel Dauriac.

André Poëy. — M. Littré et Auguste Comte. Germer Baillière.

Dans un ouvrage précédent, Le positivisme, M. Poëy s’était efforcé de montrer l’accord de la doctrine d’Auguste Comte avec les théories scientifiques contemporaines, notamment avec le darwinisme : il s’efforce aujourd’hui de la concilier avec elle-même. M. Littré, dans la vie et l’œuvre de Comte, fait deux parts, accepte la première, répudie la seconde. M. Poëy, comme l’école de M. Laffitte, à laquelle il se rattache, refuse de scinder ainsi l’héritage de celui qu’il appelle « le plus grand des

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