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manes, que dans le degré d’abstraction. « L’animal, dit-il, peut acquérir la notion d’aliment, la notion de danger, la notion de défense et d’abri, et toutes celles qui rentrent dans la gamme sensationnelle ; mais il ne peut associer la notion à un signe, c’est-à-dire, il ne peut la porter au dernier degré d’élimination, la dépouillant de ce qui entraîne une idée de différence ; il ne peut fixer ce caractère si important de cette idée, pour l’évoquer et s’en servir chaque fois qu’il lui sera nécessaire ; il est incapable d’associer des signes, et beaucoup moins peut-il arriver à posséder des signes de signes ; en un mot, il ne possède pas, il ne peut posséder le langage. » Pour mieux dire, nous n’en savons rien ; et, quant au degré d’abstraction et d’élocution dont l’animal est actuellement capable, il me paraît plus sage de supposer que la différence entre nous et lui est quantitative, et en aucune manière qualitative.

M. Varona ne se contente pas de vulgariser cette savante hypothèse de l’évolution, qui nous explique déjà ce qu’aucune autre théorie n’expliquera ; il fait aussi la guerre aux doctrines opposées, avec une ardeur qui n’exclut pas la modération : nous en voyons la preuve dans la Metafísica, réponse à un discours prononcé par le docteur Martinez d’Escobar à l’ouverture du cours académique de la Havane.

Ce docteur Martinez d’Escobar professe la métaphysique la plus radicale. Pour lui, la notion de l’absolu est le fondement de la science, et toutes les sciences ne sont que les applications particulières de cette notion ; elles s’immergent toutes dans la science première, la métaphysique. M. Varona démontre rigoureusement que le savant professeur se trompe, et sur la nature de l’absolu, et sur son existence.

Cette notion fondamentale, à la lumière de laquelle se dissipent toutes les autres, ne devrait-elle pas être d’une évidence et d’une universalité telles que sur elle nous pussions établir, par une chaîne de syllogismes très simples, jusqu’au plus obscur de la relativité dans laquelle nous nous mouvons ? Ne devrait-elle pas se trouver dans toutes les intelligences ? Or il n’y a pas deux théories métaphysiques qui comprennent et définissent l’absolu de la même manière. Pas d’école métaphysique qui, en voulant expliquer l’absolu, n’appuie en quelque façon ses explications sur le relatif. À cela rien d’étonnant : toutes les notions dites rationnelles sont essentiellement relatives, elles impliquent une complexité de relations dont aucune subtilité métaphysique ne peut les déposséder sans les anéantir.

Mais voici un autre côté de la question, et non le moins important : cette notion première a-t-elle un objet, l’absolu est-il ? La simple union de ces deux termes, dit M. Varona, forme une contradiction. Dire existence, c’est dire une détermination quelconque d’une chose par rapport à une autre. Il n’est pas possible de concevoir l’existence pure. La distinction, l’opposition entre l’absolu et le relatif, n’est donc qu’un jeu de mots extraphilosophique. Il ne peut y avoir d’opposition entre un terme dont le contenu est très précis et un autre terme dont