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LE SOMMEIL ET LES RÊVES[1]


troisième partie

LEURS RAPPORTS AVEC LA THÉORIE DE LA MEMOIRE


délimitation du problème


Des nombreuses questions qui se rattachent au rêve et subsidiairement à la folie, j’en ai résolu deux. Ce ne sont sans doute pas les plus difficiles, mais elles sont fondamentales, et c’est par celles-là qu’il fallait commencer. Ne l’oublions pas, en effet : celui qui rêve se croit éveillé, le fou se juge raisonnable. Il y avait donc premièrement à rechercher la cause qui rend le dormeur et l’insensé dupes de leurs vaines imaginations. L’illusion provient de l’habitude de supposer qu’un objet extérieur correspond à toute image interne qui présente certains caractères d’ordre, de permanence et d’éclat. Il restait en second lieu à déterminer le critérium de l’état de veille et de l’état de raison. Ce critérium — unique, universel et infaillible — j’ai cru le trouver dans le doute spéculatif. Ce genre de doute assure les fondements du savoir ; c’est ainsi que l’ombre fait resplendir la lumière. Avec lui, l’intelligence humaine marche d’un pas prudent, mais tranquille et ferme, vers la science. Sans lui, elle tombe de l’excès d’orgueil dans l’excès d’abattement, et finit par se réfugier dans le scepticisme ou le mysticisme, qui se disputent le droit d’abriter son désespoir.

Ces difficultés logiques écartées, ce serait le moment de nous enquérir du contenu des rêves — nouveau problème, extrêmement vaste et actuellement impossible à aborder par toutes ses faces. Si le lecteur se rappelle les six chefs sous lesquels M. Maudsley classe les causes qui déterminent les caractères du rêve[2], il remarquera

  1. Voir les numéros d’octobre et novembre 1879.
  2. Liv. d’octobre 1879, p. 334.