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Quoi qu’il en soit, on a compris le mécanisme de cette accumulation dont je parle. Les forces contenues dans la périphérie sans cesse réformée arrêtent au passage les forces extérieures qui viennent à les rencontrer, les accaparent et se combinent avec elles ; les résultantes de cette combinaison se condensent dans l’organisme sous forme de tendances, de répulsions ou de désirs, d’aptitudes, d’habitudes ou d’instincts. Qui a bu boira, dit la sagesse des nations ; voilà pour les tendances. — Qui a su nager, s’il tombe dans l’eau, nagera ; voilà pour les aptitudes.

Le fonctionnement de la nutrition dans ses rapports avec la sensibilité nous fait toucher du doigt la cause du sommeil et de sa périodicité. La nourriture accumulée dans le corps sert à former la couche périphérique sensible. Celle-ci perd de sa sensibilité par l’usage même qui en est tait ; il arrive ainsi un moment où elle ne renferme plus d’éléments sensibles et est, par suite, incapable de réagir. Alors le sommeil s’empare de nous, le sommeil, signe qu’il y a une barrière entre nous et le monde extérieur. Le temps de cet engourdissement est employé à la reconstitution de la sensibilité, et, à mesure que le travail avance, le sommeil s’éloigne, faisant place insensiblement au réveil. Le sommeil n’est donc pas une fonction ; c’est un effet concomitant. Il ne répare pas non plus les forces. La vérité est qu’il se montre quand la sensibilité est émoussée et qu’il disparaît quand elle revient. Peut-être même ces deux propositions sont-elles de pures tautologies. Naturel ou artificiel, le sommeil est toujours accompagné d’une insensibilité plus ou moins étendue, plus ou moins profonde. La cause de l’un est la cause de l’autre.

III. — La génération et la fin de l’univers Intellectuel.

Il me reste une dernière question à résoudre : Comment s’opère la transmission du noyau central ? À la rigueur, je pourrais me dispenser de la traiter à propos du rêve. Mais je ferai remarquer d’abord que, si mes rêves reflètent le caractère du naturaliste ou du philosophe et aussi du botaniste d’occasion, qui écrit sous la dictée d’un ami le nom de l’Asplenium, ils sont encore plus essentiellement des rêves d’homme, et cette qualité, ils la doivent à la série de mes ancêtres. Je touche ainsi au problème de la possibilité d’une « expérience centrale. » Ensuite, il y a lieu de se demander ce que deviennent des forces fixées par des êtres destinés à la mort. Enfin, on ne doit pas oublier que cette étude débute par des considérations extrêmement générales sur le commencement et la fin de l’univers physique, et que j’ai aussi tâché de prendre la sensibilité le plus près