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dans leurs caractères généraux de la flore et de la faune modernes étaient déjà constituées. Des réserves de matières nutritives et sucrées commençaient dès lors à environner le jeune embryon des espèces végétales arborescentes ; mais ces réserves étaient menacées par la dent des mammifères et le bec des oiseaux. De là, en vertu du principe de la sélection naturelle, une tendance de la plante à se défendre contre ce danger en durcissant ses enveloppes ; seulement il est évident qu’elle se privait par là d’un puissant moyen de dissémination dont les animaux eussent pu être les agents si la graine, quoique dure, eût continué à être ingérée. Le problème à résoudre n’était pas, à ce que pense M. G. Allen, au-dessus des ressources de la sélection : pour obtenir la dissémination sans compromettre la semence, les plantes entourèrent leurs durs noyaux de pulpes épaisses et savoureuses ; la pulpe servit d’appât, le noyau d’enveloppe protectrice et la semence fut transportée au loin sans être digérée par l’oiseau ou le mammifère mangeurs de fruits. Les moyens varièrent à l’infini dans le détail selon les diverses espèces ; le principe fut le même : offrir à l’animal un aliment en échange du transport de l’embryon sans que celui-ci ait rien à redouter de cet organisme qui devenait son véhicule. Nous donnerons avec l’auteur le nom de fruits à tous les organes végétaux répondant à ce besoin, pommes ou poires, prunes, pêches, cerises, baies de toutes sortes.

Ce premier résultat atteint, il restait à attirer de loin l’oiseau et le mammifère vers le mets de choix qui lui était préparé.

C’est ici qu’intervient la couleur, comme moyen d’appel et ensuite de séduction. Les semences qui s’étaient contentées de se défendre par des enveloppes dures complétèrent leurs précautions en se dissimulant sous des téguments verts et acres au goût : la noix est le type de cette classe. Pour elle, le but est premièrement de ne pas être découverte, secondement de résister, une fois découverte, au bec ou à la dent. Toute autre est la tactique du fruit. Plus il sera en vue, plus il tranchera sur le vert du feuillage, et plus il aura de chance d’être dévoré et par conséquent emporté au loin, semé dans un endroit propice, hors de l’ombre de l’arbre paternel. La couleur la plus voyante, le rouge ou le jaune, était indiquée. Comment la sélection naturelle n’eut qu’à choisir parmi les couleurs adventices pour obtenir ce résultat, c’est ce que nous avons déjà expliqué en montrant que tous les amas de matières végétales qui sont le produit du travail de la plante, et où l’oxygène se combine avec le carbone au lieu d’être séparé de lui comme dans la feuille, tendent à revêtir de brillantes colorations. Ici, point de doute au sujet des facultés visuelles des vertébrés. Aucune difficulté de ce côté de la théorie.