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g. séailles. — philosophes contemporains

des individus, dont elle saisit les rapports, forme un système ; la métaphysique rassemble la totalité des individus dans l’unité de l’Être universel, substance et cause de tous les phénomènes, et impose cette conception par l’évidence de l’axiome sur lequel elle l’appuie : il y a de l’Être partout et toujours. Si l’Être est partout et toujours, s’il n’est pas possible d’y supposer le moindre vide, le moindre intervalle, il s’ensuit que les distinctions et séparations que nos sens y perçoivent sont purement relatives et qu’elles n’excluent en rien la continuité et l’unité substantielle de l’Être infini. Un axiome de la raison, d’évidence irrésistible, nous contraint d’admettre l’Être infini, de son infinité se déduit nécessairement sa nature. Il est infini, donc il est universel, donc il n’est pas une personne. La personnalité a pour condition la conscience, la conscience a pour condition la limite, le moi ne se pose qu’en supposant à un non-moi dont il se distingue ; où l’infini trouvera-t-il sa limite ? De quoi l’infini, qui comprend tout, se distinguerait-il ? À quoi s’opposerait-il ? L’infini n’est pas une personne, parce qu’il est tout ce qui est. Ne tentons pas de l’enfermer dans une existence déterminée, il n’est pas plus âme que corps, esprit que matière, intelligence qu’instinct, personne que nature ; mais, s’il n’est aucune de ces réalités, c’est qu’il les contient toutes, non seulement en puissance, mais en acte. Il n’est pas que pensée, puisqu’il est le ciel et la terre ; mais il est toute pensée, o puisqu’il embrasse toutes les intelligences finies, qui dans leur ensemble représentent tous les degrés possibles du savoir. » On dit : Expliquez la pensée dans l’homme, l’ordre et l’harmonie dans le monde, sans l’intervention d’un créateur intelligent ; il ne peut y avoir plus dans l’effet que dans la cause : la pensée vient de la pensée, la beauté du génie, qui n’est qu’une beauté supérieure. — L’objection suppose ce que M. Vacherot nie : que Dieu soit la cause du monde. Qu’il n’y ait rien dans l’effet qui ne soit dans la cause, c’est ce que M. Vacherot ne conteste pas, mais il ne distingue pas l’effet de la cause, Dieu du monde. L’infini ne peut manquer de posséder tous les attributs de la réalité, l’intelligibilité comme l’intelligence, puisqu’il est tout ce qui est, puisque tout ce qui est exprime ses puissances. Mais comment admettre l’individualité, le libre arbitre, la responsabilité morale d’un être qui n’est qu’un fragment de l’Être infini, une goutte de sang dans les veines de Dieu, un atome entraîné dans la circulation de la vie universelle ? — M. Vacherot croit répondre en disant : La raison m’impose l’affirmation de L’Être infini, j’obéis à la raison ; la conscience me révèle la réalité de l’individu et le libre arbitre de l’homme, je ne rejette pas les données de la conscience. Si j’essayais de me